L'oeuvre de Frantz Fanon, psychiatre et militant de l'indépendance algérienne, a marqué des générations d'anticolonialistes, d'activistes des droits civiques et de spécialistes des études postcoloniales. Depuis la publication de ses livres, on savait que nombre de ses écrits psychiatriques restaient inédits, dont ceux consacrés à l'« aliénation colonialiste vue au travers des maladies mentales » (selon les mots de son éditeur François Maspero).
Le lecteur trouvera donc dans le présent volume les articles scientifiques de Fanon, sa thèse de psychiatrie ainsi que des textes publiés dans le journal intérieur de l'hôpital de Blida-Joinville où il a exercé de 1953 à 1956. On y trouvera également deux pièces de théâtre écrites durant ses études de médecine, des correspondances et certains textes publiés dans El Moudjahid après 1958. Cet ensemble remarquable est complété par la correspondance entre François Maspero et l'écrivain Giovanni Pirelli à propos de leur projet de publication des oeuvres complètes de Fanon, ainsi que par l'analyse raisonnée de la bibliothèque de ce dernier.
Depuis les premiers puits désormais à sec jusqu'à la quête frénétique d'un après-pétrole, du cartel secret des firmes anglo-saxonnes (les « Sept Soeurs ») jusqu'au pétrole de schiste, Or noir retrace l'irrésistible ascension de la plus puissante des industries.
Ce livre éclaire d'un jour inattendu des événements cruciaux - l'émergence de l'URSS, la crise de 1929, les deux guerres mondiales, les chocs pétroliers, les guerres d'Irak, la crise de 2008, etc. -, bousculant au passage beaucoup de fausses certitudes. Le pétrole, notre source primordiale et tarissable de puissance, est présent à l'origine des plus grands déchaînements du siècle passé.
Or la fin de ce carburant de l'essor de l'humanité devrait se produire bien avant que ce siècle ne s'achève. De gré ou de force. Et nul ne peut dire où cette fin va nous conduire.
Les textes politiques de Frantz Fanon réunis dans ce volume couvrent la période la plus active de sa vie, de la publication de Peau noire, Masques blancs en 1952 - il avait alors vingt-huit ans - à celle des Damnés de la terre en 1961, qui devait coïncider, à quelques jours près, avec la date de sa mort. Retraçant le fil d'une réflexion en constante évolution sur le phénomène colonial, vécu de l'intérieur, ces textes dénoncent à la fois le colonialisme et les pièges de la décolonisation - la « grande erreur blanche » et le « grand mirage noir ».
Explorant tour à tour la situation du colonisé, dont il peut rendre compte scientifiquement par son expérience médicale quotidienne, l'attitude des intellectuels de gauche face à la guerre d'Algérie, les perspectives de conjonction de la lutte de tous les colonisés et les conditions d'une alliance de l'ensemble du continent africain, Frantz Fanon gardait la certitude de la prochaine libération totale de l'Afrique. Son analyse et la clarté de sa vision nous donnent aujourd'hui les clés nécessaires pour comprendre la réalité africaine actuelle.
Qu'est-ce qu'une nation, et qu'est-ce que le sentiment national qui fait que des individus s'identifient corps et âme à d'autres individus qu'ils ne connaissent pas et ne connaîtront jamais ? Dans cet ouvrage désormais classique, Benedict Anderson montre que l'adhésion à l'idée de souveraineté nationale n'a rien de naturel. Il analyse ainsi les facteurs historiques dont la conjonction - comme celle de l'émergence du capitalisme marchand et de l'invention de l'imprimerie - a permis la naissance de ces singulières « communautés imaginées » que sont les nations. Convoquant une riche gamme d'exemples, du Brésil à la Thaïlande en passant par l'Europe centrale et l'Amérique latine, l'auteur étudie l'interaction complexe entre la logique populiste et démocratique du nationalisme et les stratégies des régimes impériaux et dynastiques à la fin du XIXe siècle. Écrit dans un style élégant teinté d'une ironie typiquement britannique, l'ouvrage d'Anderson - traduit dans toutes les grandes langues européennes - offre à la fois le plaisir d'un certain raffinement intellectuel et l'utilité d'une introduction originale à un thème trop souvent traité de façon superficielle.
Jomo Kenyatta, Aimé Césaire, Ruben Um Nyobè, Frantz Fanon, Patrice Lumumba, Kwame Nkrumah, Malcolm X, Mehdi Ben Barka, Amílcar Cabral, Thomas Sankara... Longtemps regardés avec dédain par ceux qui, au cours des trois dernières décennies, décrétèrent la mort du tiers-mondisme et le triomphe du néolibéralisme, ces noms reviennent aujourd'hui à l'ordre du jour. Avec l'atmosphère de révolte que l'on sent monter aux quatre coins du monde, ces figures majeures de la libération africaine suscitent un intérêt croissant chez les nouvelles générations.
Constatant qu'ils sont trop souvent réduits à des icônes, Saïd Bouamama redonne corps et chair à ces penseurs de premier plan qui furent aussi des hommes d'action. Leurs vies rappellent en effet que la bataille pour la libération, la justice et l'égalité n'est pas qu'une affaire de concepts et de théories : c'est aussi une guerre, où l'on se fourvoie parfois et dans laquelle certains se sacrifient. L'auteur, pour autant, n'en fait pas des martyrs absolus : c'est pourquoi ce livre s'attache, avec beaucoup de pédagogie, à inscrire ces parcours dans leurs contextes sociaux, géographiques et historiques.
À l'heure où l'on se demande comment avoir prise sur le monde, ce portrait politique collectif rappelle qu'il a toujours été possible, hier comme aujourd'hui, de changer le cours des choses.
le recours aux liens juridiques prend chaque jour dans nos sociétés une importance grandissante.
il existe pourtant peu d'études empiriques sur la fabrique quotidienne du droit. alors que la très grande technicité de la matière juridique réserve le droit aux juristes de profession, la sociologie croit souvent pouvoir s'en
débarrasser en l'expliquant par les rapports de forces qu'il ne ferait que dissimuler. la méthode ethnographique se trouve donc particulièrement bien ajustée à l'analyse du droit au quotidien.
c'est toute l'originalité de cette étude ethnographique du conseil
d'état que propose ici bruno latour. il y porte une grande attention aux actes d'écriture, à la fabrication et à la manipulation des dossiers, aux interactions entre les membres, aux particularités du corps des conseillers d'état, mais surtout à la diversité des ressorts qui permettent de bien juger. l'aridité même du droit
administratif français aurait de quoi effaroucher le plus courageux des lecteurs : heureusement, par une grande qualité de style, l'auteur a su à la fois rendre compte de la technicité des jugements et renouer les nombreux liens entre le droit et cette société qui le nourrit et à laquelle il sert, en même temps, de garant.
après une série d'études sur les laboratoires scientifiques, les innovations techniques, le discours religieux, la parole politique,
bruno latour continue ici, avec le droit, son programme d'anthropologie systématique des formes contemporaines de véridiction.
Si l'ancienne géopolitique, héritière des travaux de l'Allemand Ratzel ou de l'Américain Mahan au XIXe siècle, a laissé l'image d'une pseudoscience mise au service d'idéologies impérialistes et bellicistes, comment comprendre le renouveau actuel de la discipline ?
C'est que, dans un contexte post-guerre froide, alors que les grandes lignes de fracture idéologiques s'estompent, s'affirment de plus en plus les rivalités pour les territoires, leurs populations et ressources, mobilisant une multitude d'acteurs, étatiques et non étatiques, avec une grande diversité d'outils à leur disposition, d'ordre politique et militaire mais aussi économique, culturel... Les interconnexions et interdépendances des différentes parties de la planète font qu'un conflit local peut désormais avoir des répercussions à l'échelle de continents entiers, voire du monde. L'analyse ne peut plus être bornée par les frontières.
La géopolitique permet d'éclairer ces enjeux, avec les regards croisés de l'historien et du géographe.
Notre monde a abandonné la Syrie et son peuple à une horreur inimaginable. Et cette horreur ne semble nous toucher que par ses « effets collatéraux », les attaques terroristes menées sur notre sol.
Pour qu'une telle indifférence soit devenue possible, il a fallu occulter tout ce qui dans l'histoire de la Syrie résonne dans notre propre mémoire. Il n'en est que plus urgent de renouer le lien avec la part de l'histoire universelle qui s'est déroulée là-bas. Qu'on le veuille non, Damas nous tend aujourd'hui son miroir.
Dans ce livre alerte, inspiré, Jean-Pierre Filiu revisite en Syrie un passé aussi intimement mêlé au nôtre. Il évoque des figures que l'on croit familières, saint Paul, Saladin ou Abdelkader, et nous en fait découvrir bien d'autres, du « chemin de Damas » à l'« Orient compliqué ».
La descente aux enfers de la Syrie, de ses femmes et de ses hommes, n'est ni une affaire d'Arabes, ni le solde de querelles immémoriales. Elle est épouvantablement moderne, car les bourreaux de ce temps, qu'ils soient jihadistes ou pro-Assad, n'invoquent un glorieux passé qu'à l'aune de leur projet totalitaire.
Nous avons tous en nous une part de Syrie. Dans le miroir de Damas, nous comprenons mieux ce que notre monde est en train de devenir.
Cet ouvrage magistral, devenu un classique depuis sa première publication en 1993, rassemble plusieurs domaines jamais connectés jusqu'ici de l'histoire des sciences et de la politique. Il retrace à la fois l'histoire de l'Etat, des statistiques, des bureaux de l'administration et de la modélisation de l'économie, domaines dont le rapprochement ne s'est fait que très progressivement. Ainsi, la statistique, qui était au XVIIIe siècle la 'science de l'Etat', ignorait alors les probabilités : elles n'y ont été associées qu'au XIXe siècle. Au fur et à mesure que la 'politique des grands nombres' s'enrichit, elle brasse tour à tour les jeux de hasard, les risques de la vaccination, les assurances sur la vie, la fixation des tarifs douaniers, la fiabilité des jurys, puis, plus récemment, les effets catastrophiques des cycles économiques et les sondages d'opinion, dont l'auteur propose une analyse fort stimulante. En reconstituant les hésitations, les contingences et les controverses qui définissent la 'raison statistique', ce livre ne s'adresse pas seulement aux historiens des sciences, aux économistes ou aux spécialistes de science politique, mais veut ouvrir un débat avec le grand public ausculté par ces appareils statistiques.
Quels sont les facteurs et les processus qui ont déterminé le succès de l'État moderne comme forme de domination politique centralisée ? Qu'est-ce qu'une nation ? Comment la conscience d'appartenir à cette « communauté imaginaire » que constitue l'État-nation a-t-elle émergé en Europe ? Comment les Français sont-ils devenus électeurs ? Quels sont les visages de la politisation ? Quelle est la pertinence des clivages électoraux nés dans le passé ?
À l'ensemble de ces questions, la sociologie historique du politique apporte des réponses fondées sur une conviction forte : seule la prise en compte du passé des relations sociales et politiques permet de comprendre l'histoire présente. En redécouvrant l'histoire, la sociologie politique entend construire une histoire sociale du politique pour dégager les dynamiques qui donnent sens et cohérence à la vie politique ; elle entend aussi édifier une histoire politique du social apte à identifier l'empreinte profonde du politique sur le social.
Les théories de la justice et les débats qu'elles suscitent au sein du monde intellectuel anglo-saxon restent encore mal connus en france.
Pourtant, ce courant de la philosophie politique constitue un apport essentiel pour tous ceux qui veulent réfléchir sur des thèmes aussi importants et actuels que l'égalité sociale et la redistribution des biens, la liberté et la propriété individuelles, le rapport entre individu et communauté, l'égalité entre les hommes et les femmes, l'avenir de l'etat-providence.
L'ouvrage de will kymlicka constitue une introduction passionnante à ces enjeux qui nourrissent le débat politique et intellectuel dans les démocraties contemporaines.
Clair et pédagogique, cet ouvrage de synthèse, écrit par un philosophe reconnu, constitue un outil précieux pour ceux qui voudront aborder les textes de john rawls, charles taylor ou michael walzer, devenus des classiques de la théorie politique.
Les droits de l'homme ne sont pas une catégorie intemporelle, un corps de principes qui seraient gravés une fois pour toutes dans le marbre : ils ont une histoire, qui continue à s'écrire en fonction des aspirations nouvelles qui s'expriment, des défis nouveaux auxquels ils sont confrontés, comme le développement des technologies ou la mondialisation. Nés sur le terrain des idées, les droits de l'homme ont été consacrés par le droit positif. Ils ont servi et servent encore d'étendard à des combats politiques.
Ce livre accessible et rigoureux, écrit par une spécialiste reconnue de la matière, s'attache à analyser les droits de l'homme dans toutes ces dimensions - idéologique, juridique, politique - en se tenant à distance de deux conceptions antithétiques et également simplistes : celle qui appréhende l'évolution des droits de l'homme comme un processus linéaire et cumulatif entraînant l'humanité vers toujours plus de justice, et celle qui, à l'inverse, ne voit dans les droits de l'homme, si inégalement garantis, si souvent violés, qu'un slogan trompeur.
Pourquoi l'État intervient-il dans la sphère économique ? Quelles sont les justifications théoriques et les limites pratiques de cette intervention ? Quelle est la manière la plus efficace de financer l'action de l'État ? De quels outils dispose la puissance publique pour réguler les marchés ? Comment doit-elle organiser la production des services publics et le financement des assurances sociales ? Quels instruments peut-elle mobiliser pour lutter contre les inégalités économiques et quels sont les principaux arbitrages auxquels sont confrontées les politiques de redistribution ? Comment mesurer les bénéfices et les coûts des politiques publiques ?
Cet ouvrage, réalisé par une équipe de chercheurs en économie sous la direction d'Antoine Bozio et Julien Grenet, s'efforce de répondre à ces questions en mobilisant les outils d'analyse de l'économie publique et en s'appuyant sur les résultats des études empiriques les plus récentes.
Soixante ans après la signature du traité de Rome, la construction européenne a connu des développements considérables. Toute son histoire a été marquée par des phases de stop and go qui ont rendu son cheminement difficilement prévisible. L'institutionnalisation a servi d'aiguillon au dynamisme des intérêts, mais également à des mouvements de résistance, voire de rejet à l'égard d'une entreprise qui paraissait dotée d'une capacité d'extension continue. C'est cette capacité, déjà contestée depuis que l'opinion publique s'est invitée dans les débats européens à partir des années 1990, qui est aujourd'hui sérieusement mise en doute.
La nouvelle édition de ce livre, devenu un classique, offre une introduction pédagogique sur la genèse, le fonctionnement et l'état actuel de la construction européenne. Le lecteur y découvrira ce qui donne à l'aventure européenne son caractère de processus largement non planifié. Il y trouvera également de nombreuses données sur les institutions européennes et leurs acteurs.
Cette nouvelle édition propose une présentation, entièrement revue et augmentée, des connaissances disponibles en science politique. Unique manuel collectif en langue française, mobilisant l'expertise de plus de 80 auteurs, il réunit les meilleurs spécialistes des nombreux thèmes abordés.
La diversité de ces thèmes, des objets les plus classiques de la discipline aux thèmes les plus contemporains, le traitement novateur de certaines questions, l'attention particulière accordée aux relations transnationales et à la politique comparée, la discussion des auteurs de sociologie, l'historicisation des processus sociaux qui ont donné corps à la politique moderne font de cet ouvrage un outil de travail indispensable et incomparable.
Il s'adresse aux étudiants en science politique et aux étudiants de droit, histoire, sociologie, économie ayant des options de science politique au programme dans le cadre de leur cursus LMD, au sein des universités comme des instituts d'études politiques, en France et dans les pays francophones. Par sa clarté pédagogique et son exhaustivité thématique et bibliographique, il est destiné aux étudiants de tous niveaux, de la L1 au M2 (incluant la préparation aux concours).
Depuis plusieurs années, et singulièrement après la crise financière de 2008, les inégalités sont redevenues un thème d'actualité. Des best-sellers internationaux se consacrent à cette question trop longtemps négligée. Des ONG publient des chiffres alarmistes qui illustrent le fossé croissant entre les pauvres, qui paraissent toujours plus nombreux et vulnérables, et les ultra-riches, qui ne savent plus comment dépenser leurs gigantesques fortunes.
D'Athènes à Caracas, de Madrid à New York, de Hong Kong à Ouagadougou, les mouvements populaires qui placent la lutte contre les inégalités au coeur de leur programme se multiplient et prennent de l'ampleur. Mais, derrière les slogans, comment appréhender et mesurer précisément ces inégalités qui pèsent de plus en plus sur l'agenda international ? Politiques, économiques, sociales, raciales, culturelles ou sexuelles : comment s'enchevêtrent les différentes facettes des inégalités ? Pourquoi les institutions internationales, elles-mêmes très inégalitaires, échouent presque toujours à atteindre les objectifs qu'elles se sont fixés en matière de « développement » ? Pourquoi l'accès à l'alimentation, au logement, à l'éducation ou à la santé reste-t-il à ce point inégalitaire ? L'injustice ressentie par de nombreuses populations favorise-t-elle les conflits et la violence politique ?
Depuis les années 1980, l'idée républicaine occupe une position centrale dans le débat public. Ce livre propose une analyse historique et conceptuelle qui devrait permettre d'en clari er le sens. Le républicanisme est aujourd'hui au centre de nouvelles interrogations. Quelles réponses peut-il apporter aux problèmes qu'a rontent les sociétés actuelles au plan civique et social ? Doit-il se transformer dans le contexte de la globalisation et de la montée du multiculturalisme ? Peutil ouvrir des pistes pour démocratiser les démocraties libérales ? À partir d'un examen des principales théories politiques contemporaines, l'ouvrage confronte les positions en présence sur le sens et l'avenir de l'idée républiine.
Souvent, le Moyen-Orient est associé à une modernité avortée, à l'islamisme ou encore au tribalisme. Au-delà de ces grilles de lecture qu'il revisite, cet ouvrage définit le Moyen-Orient contemporain comme le produit d'une histoire mouvementée. Il analyse notamment la question de l'autoritarisme, trait commun à l'ensemble de la région qui surdétermine le fait politique, en partant du double concept d'hégémonie et d'ingénierie sociale. Il insiste sur la reproduction des Etats autant par la coercition que par une série de ressources de durabilité, parmi lesquelles un complexe jeu de cooptation. Prenant acte d'une fatigue sociale généralisée qui se traduit par une démobilisation ancrée dans la durée, il souligne l'importance de nouveaux modes de résilience et de contestations observés dans de nombreux pays de la région. Enfin, il accorde une attention particulière aux faits communautaires et minoritaires, produits de processus historiques complexes, aux rapports intergénérationnels et aux représentations du corps comme autant de déterminants de l'action politique et dans certains cas du radicalisme, islamiste ou non, dans l'ensemble du Moyen-Orient.
la violence qui a ravagé l'algérie à partir de 1992 nous a été présentée comme une guerre d'intégristes islamistes contre des militaires se battant pour sauver la démocratie.
quant à la france, elle se serait contentée d'une bienveillante " neutralité ". comme le montrent, preuves à l'appui, les auteurs de ce livre explosif, ce scénario est en fait une vaste construction médiatique. en s'appuyant sur six ans d'enquête, en europe et algérie, des dizaines de témoignages et des centaines de sources, ils expliquent comment, dès 1980, un petit groupe de généraux algériens a conquis progressivement le pouvoir, tout en développant les réseaux de corruption de la " françalgérie ".
ces hommes ont ensuite instrumentalisé l'islamisme radical, avant de lancer une terrible " troisième guerre d'algérie ", en multipliant les opérations " attribuées aux islamistes " : assassinat du président boudiaf, meurtres d'intellectuels, massacres de civils et de militaires. pour faire pression sur la france, leurs services secrets ont organisé de spectaculaires et meurtrières actions de " guerre psychologique " contre des citoyens français, en algérie comme dans l'hexagone.
pour la première fois, ce livre démonte les rouages de l'extraordinaire machine de mort et de désinformation conçue par les généraux algériens ainsi que les complicités dont ils ont bénéficié en france.
On nous répète à l'envi que le monde serait devenu de plus en plus complexe et indéchiffrable. À l'ordre de la Guerre froide aurait succédé un nouveau désordre géopolitique menaçant de sombrer dans le « chaos ». Affaiblissement des États-Unis, émergence de nouveaux géants économiques, irruption des prétendus « États voyous » et d'organisations terroristes incontrôlables : autant de sujets d'inquiétude nourrissant parfois la nostalgie d'un ordre ancien. qui n'a pourtant jamais eu la stabilité qu'on lui prête.
Dans cet ouvrage tranchant, Bertrand Badie rompt avec les explications paresseuses ou consensuelles. Il nous rappelle que nous ne sommes plus seuls au monde, qu'il est temps de se départir des catégories mentales de la Guerre froide et de cesser de traiter tous ceux qui contestent notre vision de l'ordre international comme des « déviants » ou des « barbares ». Il interpelle la diplomatie des États occidentaux, qui veulent continuer à régenter le monde à contresens de l'histoire, et en particulier celle d'une France qui trop souvent oscille entre arrogance, indécision et ambiguïté.
Le jeu de la puissance est grippé. L'ordre international ne peut plus être régulé par un petit club d'oligarques qui excluent les plus faibles, méconnaissent les exigences de sociétés et ignorent les demandes de justice qui émergent d'un monde nouveau où les acteurs sont plus nombreux, plus divers et plus rétifs aux disciplines arbitraires. Pour cette raison, cet ouvrage offre aussi des pistes pour penser un ordre international sinon juste, en tout cas moins injuste.
Différente d'une approche exclusivement théorique ou d'une lecture purement historique, la sociologie des relations internationales appréhende les faits « internationaux » comme des faits sociaux. Elle privilégie la démarche empirique tout en l'accompagnant d'un effort de systématisation. Face à une incroyable accumulation d'événements et d'informations, il s'agit d'organiser la diversité des variables et des techniques internationales autour de quelques rubriques fondamentales : les acteurs, leur puissance, leurs objectifs, leurs instruments.
La sociologie des relations internationales propose ainsi un cadre d'analyse suffisamment large pour saisir les permanences et les discontinuités des modes d'action internationaux dans la durée, mais aussi suffisamment précis pour définir ce qui fait leur spécificité aujourd'hui. Dans cette perspective, ce livre s'efforce de ne pas séparer l'empirie et la théorie, le passé et le présent, l'analyse des continuités et une réflexion plus globale sur le changement. Il ouvre des pistes fécondes aux études politiques internationales.
Cet essai explore cette relation particulière qui s'étend sans cesse et se reconfigure à l'échelle planétaire : la relation d'inimitié. S'appuyant en partie sur l'oeuvre psychiatrique et politique de Frantz Fanon, l'auteur montre comment, dans le sillage des conflits de la décolonisation du XXe siècle, la guerre - sous la figure de la conquête et de l'occupation, de la terreur et de la contre-insurrection - est devenue le sacrement de notre époque.
Cette transformation a, en retour, libéré des mouvements passionnels qui, petit à petit, poussent les démocraties libérales à endosser les habits de l'exception, à entreprendre au loin des actions inconditionnées, et à vouloir exercer la dictature contre elles-mêmes et contre leurs ennemis.
Dans cet essai brillant et brûlant d'actualité, Achille Mbembe s'interroge, entre autres, sur les conséquences de cette inversion, et sur les termes nouveaux dans lesquels se pose désormais la question des rapports entre la violence et la loi, la norme et l'exception, l'état de guerre, l'état de sécurité et l'état de liberté.
Dans le contexte de rétrécissement du monde et de son repeuplement à la faveur des nouveaux mouvements migratoires, l'essai n'ouvre pas seulement des pistes neuves pour une critique des nationalismes ataviques. Il pose également, par-delà l'humanisme, les fondements d'une politique de l'humanité.
La tradition « orientaliste » des savants arabisants français, qui avaient accompagné l'entreprise coloniale au XIXe siècle, a progressivement laissé la place au XXe siècle à une génération de chercheurs résolument anticolonialistes, à l'image de Maxime Rodinson, Charles-André Julien, Jacques Berque ou Charles-Robert Ageron. Il revient aujourd'hui à leurs héritiers d'éclairer l'apparition, dans la période postcoloniale, d'un « islam politique » qui cristallise une très profonde défiance. C'est ce à quoi s'emploie François Burgat dans cet ouvrage, en replaçant ses analyses dans le parcours personnel qui les a nourries et l'environnement scientifique qui les a accueillies.
Depuis les années 1980, la répression des acteurs politiques musulmans par les régimes autoritaires et leur mise au ban par les États occidentaux ont contribué à alimenter frustrations, polarisations, violences, radicalisations, terrorisme... À rebours des explications simplistes ignorant trop souvent les racines historiques de ces évolutions, ce livre apporte une note dissonante. Son auteur raconte comment, pour décoder l'incomprise altérité islamiste, sa trajectoire de recherche l'a conduit à forger ses propres outils. De l'Algérie à la Syrie, en passant par la Tunisie, le Yémen, la Libye, l'Égypte, la Palestine et la France, il restitue ses rencontres avec nombre d'islamistes. Il montre que leurs motivations sont plus banalement profanes et politiques que religieuses. Et donc très loin des explications essentialistes qui s'obstinent à chercher dans le Coran du VIIe siècle les clés de l'islam politique contemporain.
L'auteur poursuit ici une démarche de recherche entamée depuis quatre décennies en confrontant ses premières hypothèses aux turbulences des « printemps arabes » et à l'affirmation djihadiste. En contextualisant ses observations sur le temps long, il offre un précieux éclairage sur les conditions du dépassement de ce « défi islamiste ».
En 1945, les États-Unis paraissent imbattables. Détenteurs exclusifs de l'arme atomique jusqu'en 1949, ils semblent dominer totalement le monde. À travers le plan Marshall puis la création de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN), ils endossent le rôle de leader. Ils contrôlent le quart du commerce mondial et produisent la moitié de ce qu'ils consomment.
Le contraste est grand avec la situation actuelle. Il est vrai qu'entre-temps, les registres de puissance se sont diversifiés, les interventions militaires ont perdu de leur efficacité, et la mondialisation a définitivement brouillé les pistes, nouant des relations d'interdépendances inédites. On est ainsi passé, en quelque soixante-dix ans, d'un système quasi hégémonique à un système apolaire, fragmenté par une importante dynamique nationaliste, notamment depuis l'élection de Donald Trump.
Après avoir retracé l'histoire de la domination américaine, du XIXe siècle à nos jours, les auteurs en mesurent la portée et les potentielles failles dans les domaines militaire, politico-diplomatique, commercial, économique, scientifique et culturel. Enfin, l'analyse des rapports de Washington avec Pékin, Moscou, Bruxelles, Tel-Aviv, Riyad, Téhéran, etc. ou de ses prises de position face au défi climatique interroge sur la puissance réelle des États-Unis, dans un monde complexe où cartes et atouts se redistribuent à grande vitesse.