Quand a commencé la paix après la Grande Guerre ? Comment se sont reconstituées les activités économiques, les sociabilités, les fêtes ? À partir de l'exemple des Ardennes, seul département occupé pendant toute la guerre, ravagé en 1918 par les combats de la libération, 20 chercheurs interrogent le retour à la normale. La sortie de guerre est ici une longue période transitoire qui se poursuit pendant toute la décennie des années folles. La population traverse des années de résilience, entre espoir du retour à la quiétude passée et adaptation nécessaire à la réalité d'une société ébranlée. Parce qu'ils ont utilisé les fonds d'archives qu'ils pratiquent chacun dans leur champ d'études (histoire sociale, politique, culturelle, religieuse, économique, etc.), les auteurs ont inscrit la situation ardennaise dans un cadre plus vaste. Leur regard éclaire ainsi la situation d'autres départements occupés ou/et sinistrés par les combats, voire la société française dans son ensemble.
La commémoration du centenaire de la Grande Guerre a donné lieu à de nombreuses publications. L'économie n'a pas été oubliée. Mais la perspective est souvent restée très nationale. Cet ouvrage s'intéresse à l'économie du principal adversaire et perdant, l'Allemagne. Lui non plus n'était pas préparé à une guerre longue. Lui aussi s'est trouvé pris dans la contradiction entre mobiliser toutes ses forces sur le front et préserver la main-d'oeuvre pour assurer l'approvisionnement par l'arrière. L'État, avec un poids plus fort du pouvoir militaire en Allemagne, s'en est également mêlé de plus en plus, sans aller jusqu'à remettre en cause complètement l'initiative privée. La défaite finale était largement inscrite dans la disproportion initiale des ressources, aggravée par l'entrée en guerre des États-Unis. Les contributions des meilleurs spécialistes allemands, du charbon à l'agriculture, en passant par l'aéronautique ou la chimie, sont discutées ici par leurs homologues français.
Comment les Français ont-ils vécu le premier confinement ? Quelle place le virus a-t-il pris dans leur quotidien ? Quel a été l'impact sur leur santé mentale ? Comment ont-ils perçu la gestion de la crise, du confinement au futur vaccin ? Ont-ils perdu confiance ? Du 16 mars au 11 mai 2020, pour ralentir l'épidémie de Covid-19, les Français sont confinés chez eux. Cette parenthèse sidérante et inédite aurait pu survenir plus tôt, tant cette crise ressemble à d'autres... Pourtant cette crise est bien extraordinaire. Pour la première fois, la gestion d'une crise sanitaire allait non seulement creuser brutalement les inégalités, mais aussi impacter massivement la santé mentale. Cet ouvrage s'appuie sur une série d'enquêtes réalisées en ligne, de mars à juin. Les éléments de réponse qu'il apporte permettent de prendre la mesure de l'impact de ce premier confinement, mais aussi de mieux comprendre dans quelles conditions, et dans quel état d'esprit, les Français ont abordé les mois suivants.
L'idée d'effondrement, médiatisée par la collapsologie comme destin probable de nos sociétés face aux crises écologiques, fait l'objet de multiples critiques alors même que les illustrations récentes d'effondrements en cours, de l'épidémie de Covid-19 aux mégafeux, ne cessent de se multiplier. Devant ce paradoxe, les auteurs réunis ici prennent au sérieux l'hypothèse d'un coup d'arrêt majeur de nos dynamiques socio-économiques et politiques, tout en montrant que le rythme des effondrements se révèle variable selon les territoires. À partir d'enquêtes de terrain plurielles, ils examinent également la façon dont se mobilisent des acteurs, au Nord et au Sud, militants engagés ou citoyens discrets, pour tenter d'y faire face. L'ouvrage souligne l'impérieuse nécessité pour les sciences sociales de renouveler leurs approches des questions écologiques et esquisse les premiers jalons d'un paradigme de l'effondrement.
Les contributions réunies dans ce volume sont le résultat d'une recherche et d'une réflexion collective élaborées dans le cadre des axes de l'UMR 8164 Halma à Lille autour de l'urbanisme grec et romain. La volonté des deux responsables a été d'aborder cette problématique de façon ambivalente, c'est-à-dire à une utilisation maîtrisée que sont les usages domestiques (chauffage, éclairage, cuisine), religieux (cérémonies, sacrifices) et industriels (métallurgie, céramique, etc.) répond un élément destructeur que sont les incendies accidentels ou volontaires en se reposant sur des exemples couvrant l'ensemble du monde antique depuis l'Orient méditerranéen jusqu'au nord de la Gaule aux époques gréco-romaines.
Que veut dire porter la parole d'autrui ? Si les porte-paroles sont omniprésents dans les débats publics, cette figure reste paradoxalement peu étudiée. Elle est pourtant l'instance à travers laquelle les pouvoirs et leurs opposants parlent, informent, ordonnent et se combattent verbalement. Opérant une généalogie du porte-parolat depuis l'Antiquité jusqu'à ses formes contemporaines (dans les institutions officielles, dans les groupes d'intérêts ou les mouvements sociaux), l'ouvrage donne à voir une multitude de situations où s'expriment et parfois s'opposent des porte-paroles, officiels ou non. Les contributions d'historiens, de sociologues et de politistes réunies ici permettent ainsi de saisir l'émergence et les métamorphoses du porte-parolat, pour mieux comprendre son rôle dans le monde d'aujourd'hui. La personnalisation politique, les exigences accrues d'authenticité et de proximité et le développement des médias sociaux marquent-ils la mort ou le triomphe des porte-paroles ?
Un scandale de corruption, des élus accusés de clientélisme, de favoritisme, d'affairisme, de liens avec le crime organisé... La scène se passe-t-elle n'importe où ? Pas forcément, car il y a des villes où ces dénonciations sont plus fréquentes qu'ailleurs, des villes maudites qui finissent par avoir une mauvaise réputation. Cet ouvrage analyse les mises en accusation des phénomènes d'improbité publique qui se prolongent dans une stigmatisation de certaines villes ainsi considérées comme corruptrices et corrompues. Il explore différentes époques (depuis la fin du xixe siècle à nos jours) et plusieurs espaces européens et nord-américains : les villes étasuniennes des machines politiques (New York, Boston, Chicago), Glasgow au Royaume-Uni, Montréal au Canada, Naples en Italie, Marseille en France. Un traitement spécifique est réservé à cette dernière avec quatre chapitres qui saisissent l'invention et la consolidation de sa mauvaise réputation sur une très longue durée.
Au-delà d'une analyse de la démocratie participative comme réponse à la crise de la démocratie représentative, cet ouvrage prête attention à la multiplicité des collectifs et mouvements d'expérimentations et d'interpellation citoyenne, tout en interrogeant leur nouveauté, et questionne leurs rapports aux institutions. Il le fait en mobilisant des analyses portant sur une diversité de situations, tant en France qu'à l'étranger : centres sociaux en France et en Espagne, campagnes électorales au Brésil, associations de patients en Belgique, occupation de friches urbaines, magasins gratuits, mobilisations de travailleurs « informels » en Argentine, participation à Nuit Debout ou mobilisation environnementale, pratiques d'aide alimentaire... Les enjeux soulevés redistribuent les débats sur le politique, la citoyenneté et ses pratiques, réinterrogent l'égalité et la justice sociale, mettent l'accent sur la démocratie comme forme de vie. Les expérimentations analysées ici contribuent, chacune à leur manière, aux luttes sur ce que « faire société » et participer veulent dire.
Dès le Haut Moyen Âge, la cour de France observe une pratique qui frappe par son ampleur et sa persistance à travers les siècles : elle se déplace régulièrement d'une résidence à l'autre et traverse parfois le pays entier dans le cadre de grands voyages. Ce mode de vie a laissé des témoignages émerveillés des contemporains qui assistaient au passage d'un cortège dont la taille pouvait atteindre 14 000 personnes. Peu étudiée, cette pratique du pouvoir est au coeur du présent ouvrage qui explore la mobilité royale sur le temps long et dans une perspective comparative. Il permet de mieux appréhender les effets de l'itinérance sur la vie politique et sociale ainsi que sur la cour royale qui en a été profondément marquée. L'histoire des déplacements est révisée grâce à une étude statistique inédite portant sur cinq siècles ; ses particularités émergent d'enquêtes dédiées à d'autres cours européennes et à la mobilité de grands courtisans. En s'inscrivant dans la recherche sur les pratiques du pouvoir, les dix-huit études réunies dans cet ouvrage proposent un regard neuf sur une tradition indissociable de l'histoire politique française et européenne.
Au-delà des discours entendus en termes de crise de vocation des jeunes citoyens à la politique conventionnelle, cet ouvrage rend compte, à travers une enquête statistique et qualitative inédite, des parcours biographiques de jeunes maires, de la socialisation politique acquise au cours de l'enfance jusqu'aux premiers faits d'arme et à l'exercice du mandat. À un âge de la vie marqué par une instabilité statutaire et par de nouvelles obligations dans le domaine familial ou professionnel, l'enquête réalisée souligne la difficile conciliation entre les différentes sphères de vie du jeune élu, ce qui contribue à accroître les principes de sélection sociale et les inégalités de genre, de classe et d'origine dans l'accès à cette fonction. Elle ouvre également des perspectives sur le statut de l'élu, l'accès à la formation et les indemnités de fonction pour impulser le nécessaire renouvellement générationnel de l'accès à la démocratie représentative et favoriser la recherche d'une plus grande diversité des profils dans la participation des citoyens à la décision politique.
Image évocatrice, objet convoité, enjeu de pouvoir, la carte dessine le monde. Outre les géographes-cartographes, de nombreux chercheurs, stimulés par sa puissance de représentation, l'utilisent afin de répondre à quelques-unes des interrogations de la société actuelle. La diversité des points de vue, des regards et des usages scientifiques, par conséquent la multiplicité des questionnements, se combine à la profondeur historique des références en apportant au lecteur curieux du monde des éléments de compréhension spatiale de processus, de circonstances, d'événements et de concepts propres à l'humanité. La carte, vivante et mouvante, est un reflet de l'imaginaire et la représentation d'un réel. Depuis l'Antiquité, les représentations de la Terre instaurent des mondes successifs, en jouant avec la géométrie, les distances et les formes, les plans et les volumes. Inscrites dans le temps, les cartes intègrent les temps de la terre et des sociétés. De nouvelles cartographies réinventent le monde du xxie siècle.
À la lumière des découvertes archéologiques récentes de production de sel dans le nord de la Gaule, ce livre rassemble une série de contributions montrant la variété des approches pour l'étude du sel. En effet, l'exploitation du sel depuis les Temps anciens correspond avec la sédentarisation des hommes. L'imagination déployée par les populations pour produire le sel indispensable à la vie peut être perçue à travers divers prismes. La géologie nous offre l'occasion de comprendre la formation du sel et de mieux repérer les lieux d'exploitation de cet élément précieux que l'on appelle aussi l' « or blanc ». L'archéologie et l'histoire nous aident à percevoir les modes de production et de commercialisation du sel. Les usages du sel sont variés (salaisons, usage médical...). En outre, si la conversation « ne manque pas de sel », ce sont les auteurs antiques qui ont adopté les jeux de mots de la gamme piquante et relevée du sel. Enfin, le commerce du sel a fait la richesse et contribué au rayonnement de nombreuses villes au fil des siècles.
La traduction est aujourd'hui omniprésente et indispensable pour permettre la communication entre les peuples et les cultures. C'est pourtant une activité multimillénaire, qui n'a pas toujours revêtu les mêmes formes ni connu les mêmes enjeux. L'histoire de la traduction, partie intégrante de la discipline que l'on appelle la traductologie, permet de mieux cerner les contextes culturels dans lesquels s'inscrit la traduction et de suivre l'évolution des réflexions concernant cet objet polymorphe. Dans cet ouvrage publié à titre posthume, le chercheur internationalement reconnu qu'est Michel Ballard nous livre le fruit de ses dernières réflexions et apporte un nouvel éclairage sur la place de la traduction dans l'Antiquité, en tenant compte des publications récentes dans le domaine. La période examinée va de l'Égypte ancienne à saint Jérôme, en passant par la Mésopotamie, la Grèce, l'époque ptolémaïque et Rome.
Depuis quelques années s'intensifient les rapports entre une société de l'information et une économie de l'attention : plus l'information est abondante, plus l'attention est rare. Alors que le travail se formule comme une lutte contre l'oisiveté et impose une certaine discipline de l'attention, la consommation, quant à elle, impose précisément de capter et perturber l'attention disciplinée. Progressivement, elle se monétise et progressivement, nous nous en sentons dépossédés. Pourquoi tenons-nous au concept d'attention ? L'attention ne constitue pas simplement un nouvel objet auquel l'éthique et la philosophie politique devraient s'intéresser. Loin de se limiter à développer une éthique appliquée de l'attention, problématiser l'attention nous amène à re-questionner les champs de l'éthique et de la philosophie politique. Pour répondre à ces questions, ce livre fait le pari de la pluridisciplinarité en rassemblant des travaux de différents horizons.
Maître-mot du mouvement ouvrier, concept clé pour nombre de théoriciens socialistes, l'association cristallise dans l'Europe du xixe siècle les aspirations à une réorganisation plus juste et égalitaire du travail. Permettant de penser la liberté contre le libéralisme, l'association des travailleurs peut être ainsi appréhendée comme l'expérience en actes d'un pouvoir d'agir collectif et autonome des ouvriers et des ouvrières. Mais c'est aussi un phénomène pluriel. Cet ouvrage vise donc à déconstruire l'objet « association ouvrière » pour rendre compte de la myriade d'expériences concrètes qui se trouvent regroupées sous ce terme. Les contributions rassemblées éclairent les prémisses en France de l'association de travailleurs et de travailleuses sous la monarchie de Juillet, son âge d'or lors de la révolution de 1848, et la multiplication des expérimentations associatives en Europe et au-delà jusqu'à la fin du siècle.
Créé pour soutenir Vladimir Poutine, le parti Russie unie domine largement le paysage politique russe depuis plus de quinze ans. Résurgence du parti communiste de l'Union soviétique ou instrument entre les mains des dirigeants : quel rôle joue-t-il ? L'enquête, basée sur des entretiens et des observations auprès des représentants du parti, montre la situation inconfortable d'une institution qui ne cesse de se développer tout en restant sous le strict contrôle du pouvoir exécutif central. Elle apporte un éclairage nouveau sur les mécanismes de la domination politique à l'oeuvre dans la Russie de Poutine en insistant sur la place centrale occupée par les références étrangères dans la vie partisane : idéologie inspirée de la pensée conservatrice occidentale, primaires, dispositifs managériaux. À l'heure où les démocraties occidentales connaissent des transformations profondes, le cas de la Russie permet de poser un regard décentré sur la relation problématique entre un dirigeant et sa majorité.
L'intensification et l'amplitude des migrations internationales à l'aube du xxie siècle placent l'Europe devant de nouveaux défis. Au coeur d'un système migratoire d'ampleur inédite, il lui faut d'urgence élaborer une stratégie visionnaire pour assurer ou refonder sa cohérence. Condition préalable : la compréhension de son passé migratoire récent. Fondé sur les derniers résultats de la recherche, ce livre explore les articulations complexes entre mobilités, migrations et constructions identitaires en contexte transnational. Les migrations étudiées ici dans plusieurs aires géographiques d'Europe et jusqu'en Israël sont appréhendées dans leur dimension culturelle, économique ou ethnographique, mais aussi historique et politique. Ainsi rassemblés, les articles proposés par des auteurs de diverses nationalités marquent l'état de la réflexion scientifique et constituent un observatoire pertinent dans le contexte contemporain d'une Europe inquiète, marquée par « la crise des réfugiés ». Ce livre vise à nourrir la réflexion politique et civile sur la question migratoire.
Dans Aristote au Mont-Saint-Michel, Sylvain Gouguenheim prétend réfuter ce qu'il nomme une vulgate : le rôle des Arabes dans la formation de l'Europe latine. Celle-ci aurait reçu la pensée grecque de chrétiens orientaux puis des traducteurs gréco-latins. Ce livre amène les médiévistes à s'interroger sur la méthode historique et la déontologie des historiens, en adoptant différents points de vue : histoire de la philosophie et des sciences, histoire sociale, codicologie (Jacques de Venise)... Al-Kindi et al-Farabi sont de remarquables connaisseurs d'Aristote ; Avicenne a accompli une percée décisive en métaphysique par la distinction de l'essence et de l'existence ; en mathématiques et sciences physiques, la créativité des auteurs arabophones est, pour les spécialistes, incontestable. Quant au rôle d'intermédiaire attribue au Mont-Saint-Michel, il relève de la fable : Gouguenheim ignore tout de la production et de la circulation des manuscrits. Qu'un éditeur prestigieux ait fait paraitre un pareil livre conduit les médiévistes à s'interroger sur la formation et la diffusion de leur savoir : eux dont les recherches sont financées par des fonds publics, doivent se faire entendre des qu'un dès leur divague. Le présent ouvrage introduit de la rationalité et de la sérénité dans les débats interculturels. Il s'adresse à ceux qu'intéressent le dialogue des cultures, aux professeurs du secondaire qui, charges d'un enseignement sur ce thème, ont été déconcertés.
Avec cette histoire condensée de la Suisse, Thomas Maissen délivre la nouvelle vue d'ensemble longtemps attendue. S'appuyant sur les recherches les plus actuelles, il décrit de manière fluide l'émergence de la Confédération suisse, son extraordinaire continuité, mais aussi les nombreuses lignes de fractures qui la traversent jusqu'à aujourd'hui. Comment se sont formés les ligues fédérales et les mythes fondateurs ? Pourquoi la Confédération, divisée entre catholiques et protestants, n'a-t-elle pas éclaté ? La guerre du Sonderbund était-elle nécessaire pour que naisse, en 1848, un État fédéral moderne ? Pourquoi Hitler n'a-t-il pas conquis la Suisse en juin 1940 et comment la Suisse se positionne-t-elle dans l'Europe et le monde au xxie siècle ? Si l'interprétation de l'histoire suisse est controversée depuis plusieurs années à l'intérieur du pays, elle a aussi été remise en question par des critiques venues de l'extérieur. Rédigée avec clarté, cette synthèse solide et exhaustive met au jour les racines historiques du régime politique actuel de ce pays plurilingue au coeur de l'Europe. Dans sa version allemande, cet ouvrage de référence en est à sa sixième édition. La présente traduction en propose une version remaniée et actualisée.
Le fort développement des établissements d'enseignement des « musiques actuelles » depuis la fin des années quatre-vingt-dix s'est accompagné - et s'accompagne toujours - de toute une réflexion pédagogique visant à protéger ces pratiques d'origine autodidacte de la « normalisation » de l'enseignement scolaire de la musique. Mais qu'en est-il réellement ? À rebours des discours pédagogiques, cette enquête montre que l'institutionnalisation de l'enseignement de ces musiques modifie, en réalité, fondamentalement le rapport à la musique et à la pratique des élèves. Au croisement de la sociologie de l'éducation et de la sociologie de l'art, cette recherche interroge plus largement l'impact de la scolarisation des cultures populaires et met en évidence l'émergence d'une nouvelle figure de musicien de musiques « populaires ».
La morale s'est presque toujours référée à l'idée d'obligation, de sanction et de modèle. Penseur critique de l'évolution, Guyau propose de repenser la morale à l'aune de l'exigence vitale, et estime que, bien comprise, la puissance anomique de la vie engendre une diversité des formes de l'obligation. Croisant et éprouvant les traditions morales plusieurs fois millénaires, l'auteur de l'Esquisse d'une morale sans obligation ni sanction tente de montrer qu'une morale est encore possible à l'heure de la « mort de Dieu » et de la sélection naturelle. Mais il faut pour cela reconsidérer l'évolutionnisme et l'élargir pour inclure ce qu'il semblait d'abord nier : la fécondité. Récusant tout réductionnisme, Guyau est le précurseur d'une complexité éthique que notre époque redécouvre, et ambitionne une éducation destinée à cultiver harmonieusement toutes les formes de la fécondité. L'éthique de l'avenir, s'il en est, sera résolument plurielle et sans modèle.
En 1914, la résistance de la place-forte de Maubeuge fut la plus longue. Elle suscita une vive polémique politico-militaire autour du gouverneur Fournier, laissant cours à deux légendes : l'investissement par 60 000 Allemands et si « Maubeuge avait tenu 24 h de plus » le sort de la guerre eut été changé. Le journal du viie CAR de von Zwehl publié en 1921, ignoré pendant un siècle et retrouvé à Zurich consultable grâce à une traduction et une étude critique, met en évidence les erreurs d'estimation du plan Schlieffen, la présence de 25 000 Allemands, les retards d'approvisionnement en munitions, la perte de 25 à 30 % des effectifs du viie CAR à l'issue de sa marche forcée le 13 septembre au matin sur le Chemin des Dames. L'édition de cette source, ignorée pendant un siècle, est complétée par des extraits des rapports des généraux von Bülow et von Kuhl sur le contexte militaire et deux articles de journaux mettant en avant la puissance de l'artillerie lourde. Il appartiendra au public de mesurer la réflexion de Jean Jaurès : « Dans les grandes plaines du Nord... qu'y-a-t-il pour répondre ? Le seul camp retranché de Maubeuge, un îlot surnageant dans une grande nappe d'invasion ! »...
Bien que les guerres civiles demeurent consubstantielles de toute forme de société organisée, ce type de conflit a longtemps peiné à trouver sa place dans le champ scientifique. On peut y voir l'incidence d'un déficit de légitimité par rapport aux affrontements interétatiques, mais aussi du poids de considérations idéologiques, morales, voire affectives qui tendent à obérer une analyse objective des faits. Cet ouvrage collectif participe d'une volonté accrue des chercheurs, depuis environ une vingtaine d'années, de dépasser ces préjugés, afin d'interroger, à partir de sources très diverses, les formes de lutte et leurs motivations, ainsi que les voies de la résolution de ces derniers. C'est d'ailleurs sur cette opération de pacification civile que l'ouvrage mettra surtout l'accent, en nuançant le rôle traditionnellement imparti à l'État et au droit dans ce processus complexe de curation des blessures que les sociétés s'infligent régulièrement à elles-mêmes, quels que soient l'époque et le lieu.
L'art de l'argumentation ne cède pas ses droits en situation de guerre. Au contraire, la préparation des conflits, la conduite des opérations et la reconstruction de la paix sont d'intenses moments de persuasion, de négociation et de confrontation dans lesquels l'art oratoire occupe toute sa place. Fruit d'une collaboration active entre historiens et juristes, cet ouvrage propose, au travers d'un parcours s'étendant de la guerre antique aux conflits contemporains, une réflexion riche, passionnante et novatrice sur les usages et les fonctions du discours en situation de conflit armé. Il nous transporte des plaines du Péloponnèse et de l'Italie romaine au Tribunal international, en passant par les guerres d'Attila et des ducs de Bourgogne, par les conflits religieux et de la monarchie absolue des temps modernes, ou encore par les guerres de sécessions et les deux conflits mondiaux. S'y découvrent alors les modalités et les enjeux de la parole en guerre, qu'il s'agisse de justifier ou de contester l'engagement, la violence ou les buts de guerres ; de convaincre les autorités politiques et l'opinion publique d'entrer dans le conflit ou les combattants de sacrifier leur vie ; ou encore d'implorer le pardon et de réparer des exactions, mais aussi de s'emparer de la gloire d'une victoire ou de repousser la honte d'une défaite.