Veine palpitant dans l'intime repli des campagnes. Chemin d'eau qu'ont déserté chalands et gabares. Ligne de vie creusée dans la paume calleuse de la Bretagne. Le canal de Nantes à Brest ondule d'un bout à l'autre de la presqu'île. Au début d'un très beau mois de mai, j'ai parcouru à pied ses trois cent soixante kilomètres. Pour rien, pour le plaisir, pour jouir de ce luxe inouï, de cette prodigalité fastueuse : marcher ; passer son temps à le perdre ; se coucher sur la rive quand le soleil est trop chaud, pour lire ou regarder le ciel. Le canal : fil conducteur d'une échappée solitaire, de cette narration vagabonde.
David Parris promène sur le paysage estival un regard amusé mais complice. Son village près de Dinard n'est pas secoué par de grands événements: ce sont donc les faits et gestes de tout un chacun, que ce soit au marché de Dinard ou à la plage, qui nourrissent sa réflexion et qu'il nous raconte avec poésie et humour. " A nous deux, chef ! " dit le charcutier, et tout le charme d'un samedi matin au marché est retrouvé. " Le petit Éric est attendu au poste de secours... ": encore un Éric de perdu dans le brouhaha de la plage. Au cours de ses promenades, pour David Parris, le tout est d'éviter d'arriver: il se délecte à " l'être-là " plutôt qu'à " l'être ailleurs ".