Qu'est-ce qui s'imprime dans la prunelle, laissant une marque indélébile, à la lecture de ces contes : l'herbe longue des pampas, ondulant comme la mer à perte de vue, l'ombre gigantesque du feuillage de l'Ombú abritant les paroles du vieux Nicandro déroulant ses souvenirs : la balle tirée à bout portant par le maître des lieux, l'intraitable Santos Uguarte sur son esclave préféré, Meliton, le calvaire de Monica devenue folle à la révélation de la mort de son promis, le cheval-pie de l'étranger, tué par accident, le jour du marquage des bestiaux, les manigances de l'invisible Niño Diablo qui entend dans la plaine des bruits qu'il est seul à entendre ? Le rire strident des sorcières, la nuit, très haut dans le ciel, au-dessus de la pampa ou les cris terrifiants « qu'aucune âme humaine ne pourrait supporter », à l'instant où Marta Riquelme, accablée par la vie, se transforme en Kakué, l'oiseau des âmes infortunées ?
Au dire de ses amis londoniens, William Henry Hudson (1841-1922) qui « écrivait comme l'herbe pousse » (Conrad) ressemblait « à un faucon sur le point de s'envoler » (Garnett) ou à « un aigle du jardin zoologique, noble, mélancolique étranger, survolant en pensée les pampas Argentines » (Masshingham). Ornithologue de grand renom, prêt à tout moment à devenir oiseau, ses oeuvres complètes comprennent vingt-quatre tomes.
« Parce qu'au début et au milieu je vais vous raconter des histoires sur les animaux que j'ai eus, pour vous montrer que je ne pourrais pas avoir tué les poissons autrement que sans le faire exprès. J'ai bon espoir qu'à la fin de ce livre vous me connaissiez mieux et que vous m'accordiez le pardon que je demande pour la mort de deux "tyrougets" - c'est comme ça qu'on les appelait à la maison, "tyrougets". » C. L.
Une anthologie de contes traditionnels du Brésil.