Trois sorcières ont prédit à Macbeth qu'il deviendrait roi d'Écosse. Pour que son destin se réalise, il assassine le souverain en place ; mais parce qu'il a tué, il devra tuer encore et les morts ne le laisseront pas en paix. Sa femme, lady Macbeth, qui a armé son bras, paiera de sa raison son ambition monstrueuse. Récit tragique de la soif du pouvoir et de la folie des hommes, Macbeth, créée pour la première fois en 1606, est « la vision la plus mûre et la plus profonde du Mal chez Shakespeare ». « La vie n'est qu'un fantôme errant, un pauvre comédien qui se pavane et s'agite durant son heure sur la scène et qu'ensuite on n'entend plus ; c'est une histoire dite par un idiot, pleine de fracas et de furie, et qui ne signifie rien. » Traduction de François-Victor Hugo
Dans cette adaptation de la nouvelle fantastique «Le Moine noir» d'Anton Tchekhov, Kirill Serebrennikov s'interroge sur le désir humain et irrépressible de liberté, sur l'art, le génie et l'autodestruction à laquelle ces tentations peuvent mener.
Anissa, 25 ans, décide de retrouver la trace d'un père qu'elle n'a jamais connu. «Au non du père» interroge ce qui fait lien entre un parent (biologique et d'éducation) et son enfant et comment cela oriente un parcours de vie.
Une ambiance de fête règne à la cour de François Ier. Le roi s'encanaille : il boit et rit des railleries de son bouffon Triboulet, qui l'incite à la débauche. Tous ignorent que l'amuseur bossu a une fille, Blanche, un joyau qu'il chérit et tient précieusement éloigné des frasques des courtisans.
Mais la vigilance d'un père ne saurait empêcher une malédiction de se réaliser et le roi de convoiter la belle Blanche...
Jalousies, complots et vengeances composent ce drame écrit en 1832, au coeur de la bataille romantique.
L'édition :
o Parcours de lecture
o Groupement de textes : les résonances dramatiques de la pièce (Dom Juan, Phèdre, Lucrèce Borgia)
o Du texte à la représentation : mise en scène de Jean-Luc Boutté à la Comédie-Française, 1991
o La réception de la pièce (EMI)
Selon Alfred de Vigny, Chatterton aurait été composé en dix-sept nuits, sous le signe du silence et de l'ascèse, dans les affres d'une création vouée à un dessein élevé : mettre en scène un poète maudit afin que le public s'émeuve du sort des artistes pauvres. Pour y parvenir, Vigny s'inspire de la brève existence du poète Thomas Chatterton, qui s'est donné la mort à la veille de ses dix-huit ans, après avoir souffert de l'humiliation et de la faim. À partir de l'exemple d'un seul, le dramaturge entend toucher le coeur de tous.
Certains ont lu dans Chatterton une apologie du suicide, d'autres une pièce étrange car sans action. Ce « drame de la pensée » a toutefois remporté un triomphe à sa création, en 1835, et nombreux furent ceux qui se reconnurent en Chatterton.
Dossier :
1. Création et réception
2. Chatterton et les poètes maudits
3. L'anglomanie littéraire au XIXe siècle.
Dans ce drame, Claudel a peint l'effondrement de la société traditionnelle issue de la monarchie. Deux aristocrates, un homme et une femme, qui ont survécu aux massacres de la Terreur, tentent, au péril de leur vie, de leur amour et de leur honneur, de sauver le Pape : ce dernier a été enlevé de la prison où l'avait relégué l'Empereur et caché dans leur domaine. Mais un préfet de l'Empire a éventé sa présence et se livre à un odieux chantage. La violence des sentiments et des situations confère un pouvoir dramatique intense à ce conflit des intérêts et des passions qui s'élève entre une aristocratie déchue et un pouvoir sujet aux variations de l'Histoire. "Comment ai-je pu être aussi cruel ?" s'interrogeait l'auteur de ce premier volet d'une 'saga' où sont évoqués à grands traits, par-delà les destinées individuelles, les déchirements et les bouleversements de la société française au XIVe siècle, préfigurant l'avènement des temps modernes.
Étranges prisonniers réunis par Genet dans la cellule d'un quartier de haute sécurité ! Loin de souhaiter échapper à leur condition, ils constituent à eux trois un petit monde clos dont ils exagèrent l'enfermement. Yeux-Verts, le seul assassin du groupe, est un pôle attractif pour les deux autres : ils n'aspirent qu'à l'honneur de l'imiter, sinon de le rejoindre dans le ciel héroïque du crime et de la mort pour lequel la prison se révèle le meilleur tremplin. Prison et enfermement métaphysiques donc. Yeux-Verts, le plus avancé sur la voie du détachement, fuit dans une sorte de rêve de gloire ; les deux autres s'entre-déchirent pour avoir les meilleures chances d'accéder à une existence vraie en captant à leur profit le reflet de celui qui appartient déjà à l'autre monde. Ce désir luciférien de néantisation salvatrice ne peut aboutir qu'à l'échec. Qui s'en étonnerait ?
Sirène, ondine, naïade... Il arrive que les noyées, les suicidées ou les jeunes femmes emportées prématurément par une mort violente se métamorphosent en l'une de ces créatures mythiques que les Slaves nomment Roussalka. Elles charment les hommes par leur chant et les attirent tout près du bord pour les entraîner avec elles. De cette figure universelle, Pouchkine tire un drame à la couleur typiquement russe.
La fille d'un meunier aime un prince éperdument. Quand il la délaisse, enceinte, pour en épouser une autre, elle se jette dans le Dniepr et la campagne russe prend soudain des airs de conte fantastique. Le meunier devient fou : sa fille lui parlerait du fond des eaux. Le prince lui-même entend la voix de son enfant. La jeune paysanne l'aime toujours et elle l'attend. Ce ne sont peut-être que des regrets... Mais c'est bien vous que l'envoûtement de La Roussalka pourrait emporter.
Elena et Daniel ont accueilli et soigné un lévrier durant plusieurs mois. Sous le regard avisé et quelque peu décalé de Rita, Hans et Greta devront prouver qu'ils sont aptes à l'adoption.
Avec un humour cinglant, l'auteure décline cette situation sous toutes ses formes (économique, sociale ou langagière), à travers la joute oratoire des deux couples, espagnol et allemand, qui vont se faire face au beau milieu d'un salon.
Animal racé, élégant et majestueux, le lévrier espagnol est associé à l'aristocratie comme en témoigne la célèbre Partie de chasse de Goya, qui illustre avec justesse une société européenne en crise. Scène après scène, les rivalités apparentes dévoilent une visée tout autre, illustrant le conflit politique entre Nord et Sud qui, à son tour, laisse transparaître une crise représentative des relations de couple. Tous les clichés contemporains vont passer dans le prisme de la langue. Les dialogues, enlevés, précis, mais aussi douloureux, nous montrent une humanité qui n'en finit pas de chercher son bonheur.
Grâce à une succession de situations comiques, les véritables visages de chacun se dévoilent, au bord de l'abîme... et de la crise de nerf !
L'enfance et la violence faite aux jeunes femmes sont ici présentées avec une tristesse infinie, à travers un enchaînement de récits dramatiques qui forment une mystérieuse mosaïque.
Ainsi, plusieurs formes d'agression ont lieu simultanément à différents endroits de la planète. À Pattaya, des milliers de visiteurs, surtout des hommes solitaires, marchent égarés au milieu de la foule. Alex est l'un d'eux. Il ne cherche aucune compagnie hormis celle de Roly, son chien. À quelques kilomètres, une petite fille vêtue d'une robe bleue est assise à côté d'un touriste, sur un quai. Loin de Bangkok, un groupe d'amis célèbre un enterrement de jeune fille où le vrai jeu est celui des attouchements. À la même heure, en Inde, une mère jette le foetus de son enfant dans un fleuve. Pendant ce temps, à Madrid, un policier enquête sur le suicide d'une adolescente. Énigmes qui restent à résoudre dans ce clair-obscur, et que la prouesse dramatique nous présente sous la forme d'un carrousel.
Située aux confins du monde, la ville d'Ushuaia abrite en son sein Mateo, reclus et isolé au coeur de ce paysage de glace. Il convoque une jeune femme pour s'occuper des tâches quotidiennes. Introduite dans l'univers de cet homme étrange et mystérieux, Nina tente de retrouver les traces du passé nazi de Mateo, afin de venger l'histoire. Mais sous un voile de vérité, toute certitude n'est pas inaliénable, et l'Histoire cache plus qu'elle ne dévoile.
La véritable identité de Mateo se dessine au fil des scènes au sein des décombres d'un triangle amoureux, tissé par des voix réelles et fantasmagoriques, fantômes du passé. La recherche historique devient un palimpseste où la mémoire, à travers les limbes du temps, fait ressurgir l'horreur mêlé à l'universalité du sentiment amoureux. Entre mensonge et vérité, le texte devient le porte-parole de voix disparues, notamment celle de Róza Eskenázi, chanteuse juive séraphade et figure active de la résistance pendant la Seconde Guerre mondiale.
Mais l'amour n'est-il pas rédempteur comme dans La vie est un songe, le texte phare du grand Siècle d'or espagnol, dans lequel réel et fiction font de la langue le moteur central de la vie ?
Au sein d'un univers aquatique, les Nageurs de la nuit forment un Ordre secret, constitués d'hommes et de femmes écorchés, délaissés et souffrants. Tous cohabitent autour d'un lien qui les rassemble, celui de la solitude, de la violence, mais aussi celui de la joie. Ils forment une communauté unie mais secouée par l'effondrement de ses représentations habituelles.
Damnés de l'amour, ils apparaissent telles des voix fragmentées, résonnants en un choeur contemporain. Les personnages deviennent le portrait d'un monde malade et morcelé, dans lequel l'innocence ne trouve plus sa place. Le sujet intime défie le politique tandis que le corps politique s'insinue dans l'intime.
Dans la relation littéraire que l'auteur entretient avec le plateau, la littérature se situe dans le sillon des auteurs sud-américains, placée entre un langage métaphorique et une parole exclue de la réalité.
La scène devient un lieu d'expérience poétique, dans lequel le temps et l'espace semblent flottants, à l'image de la déstructuration formelle du texte.
L'écriture de Mora met en tension le spectacle incessant que chacun des personnages donne de soi au monde, mais aussi le moi déchiré des individus modernes.
Au coeur de la terre andalouse s'érige un projet familial d'une importance fondamentale : un père de famille, propriétaire terrien, ambitionne de faire fortune par la culture massive de tomates. Ses trois fils tentent chacun d'y trouver une place, peinant à avancer sur leur propre voie. Le père, brutal et intransigeant, place ses espoirs les plus chers dans la culture de ses fruits, faisant fi de la portée morale de ses actes et de leurs conséquences.
Un repas d'oiseaux est un chant dramatique, une écriture lyrique qui parle du temps : un temps pour naître, un temps pour mourir, un temps pour les mots, un temps pour les choses, un temps qui est à d'autres, un temps qui est le nôtre. Cette écriture nous dit que nous sommes aussi seuls qu'accompagnés, des hommes et des animaux pris dans la danse de l'abondance et de la faim.
Les corps laissent des corps est un texte atypique qui nous fait partager le temps et le lieu d'une maison de retraite dans notre société actuelle, et par là-même nous fait état de notre rapport à la mort, à nos aïeux.
Un homme d'aujourd'hui, espagnol, décide d'entreprendre le voyage qu'il n'a jamais osé faire. Il part en quête de son identité dont il ne reste aucune trace visible depuis sa naissance à la fin des années 1970. Sa biographie se confond avec celle de son pays, en un palimpseste tumultueux. CINÉ est le récit de ce voyage qui progressivement, nous révèle les origines cachées d'une vie et, par là même, moult secrets qui oscillent entre tabous intimes et engagement politique.
Pour La Tristura, le théâtre est un lieu propice au dévoilement, à l'incursion dans les limbes de la mémoire, un lieu où des coulées s'entrouvrent au coeur du récit, métamorphosé ici en un texte sur les enfants volés durant l'époque franquiste. C'est le lieu d'un paradoxe inextricable.
D'après les auteurs, différentes associations et travailleurs sociaux estiment que le nombre d'enfants volés en Espagne atteint les 300 000 entre 1939 et jusqu'aux années 1980.
Les séquences, parfois elliptiques, se succèdent et construisent une mosaïque composée de voix et de guerres autant réelles qu'inventées. Le théâtre accomplit alors sa fonction tragique, celle de mettre en relation la destinée individuelle avec celle, plus collective, d'un ordre fondé sur des valeurs politiques qui nous échappent.
Le snorkel est un sport, à ce qu'on dit. Dans ce récit pour la scène, les personnages semblent revenir d'une fête lointaine et aquatique qui n'est que souvenir. Des voix, multiples et en écho, tentent, à l'instar des femmes et des hommes d'aujourd'hui, de sortir la tête de l'eau, d'autant plus que leur regard est rivé sur la beauté des fonds marins. Parole et corps devraient, par la performance à venir, trouver un équilibre, grâce à la parfaite composition dramaturgique du texte.
L'observation, sous forme kaléidoscopique, d'un paysage lacustre, d'un campement de touristes, d'un monastère où la modernité va se reposer, donne à voir une ascension où toutes et tous se cassent la figure, avec humour et réalisme.
Les personnages ne sont pas toujours humains, n'ont pas toujours un nom, et ne partagent pas toujours le même temps, mais ils ont en commun la conscience de naviguer à la dérive en essayant de comprendre un monde que Snorkel compose dans voyage vertical, de la profonde obscurité d'un lac jusqu'à la première colonie humaine sur Mars.
L'Obéissance de la femme du berger est un triptyque sur la soumission, des femmes envers les hommes mais aussi des hommes en général, à travers trois monologues féminins pris dans le prisme d'un pornographe. La Femme d'un berger qui va bientôt mourir, la Femme abandonnée, seule dans un asile, et un Bébé, incarnent trois générations d'une même famille qui coexistent dans un même lieu : une maison de campagne. Cette maison est celle de la violence extrême que le texte nous dévoile comme le territoire de tous les traumatismes liés à une logique patriarcale.
À l'heure où la question de l'altérité se pose plus que jamais, la découverte de l'autre se fait amoureuse, sexuelle et sociétale. En s'éprenant de Pap, Sénégalais, le personnage de María interroge notre rapport au monde à travers le prisme ancestral de la famille.
María décide d'explorer l'Afrique dans le cadre de voyages initiatiques, provoquant l'incompréhension de son entourage. Le détroit de Gibraltar, lieu de passage, devient le symbole de la quête personnelle et intrinsèque de ce qui constitue « l'Autre ».
Dans ce voyage à rebours qui la mène à Lavapiés, le quartier madrilène le pus ethnique de la capitale, puis à Burgos, sa ville natale, María va désapprendre tout ce qu'elle a appris à ce jour.
Dans ce questionnement des origines, la découverte du monde s'effectue au sein de méfiances quasi-animales, faisant du corps et de sa sexualité un lieu de rencontres et de batailles incessantes. Intimité amoureuse, quête de soi et engagement politique sont étroitement liés, opposant réalité et fiction.
Désincarnée et dédoublée par l'écriture, la voix de l'auteure trouve son écho dans le personnage de María, afin d'illustrer cette affirmation rimbaldienne: « Je suis l'autre ». D'une plume audacieuse, elle dresse le portrait de notre nature profonde d'animal social, que la pensée et la parole définissent à chaque instant.
Le Sol qui porte Hande est le récit dramatique de l'assassinat et de la disparition de Hande Kader en 2016, activiste transgenre turque, remarquée lors de la Marche des Fiertés à Istanbul l'année précédente. La dramaturgie de ce texte tente de retracer sa vie, de sa naissance à sa disparition.
Cette quête fragmentée qui prend la forme d'un texte-paysage, d'un individu, de son corps, de sa famille, de son identité, est construite par une fable bigarrée de césures - de pages manquantes. Le lecteur spectateur citoyen doit irrémédiablement faire appel à son interprétation, à sa capacité d'imaginer, pour en trouver un fil conducteur. Le théâtre devient une déambulation où l'écriture cherche à comprendre pourquoi et comment il est aujourd'hui possible qu'une société contienne tant de haine, de détresse et de violence. Ainsi, l'auteur démantèle la forme tragique classique, en intégrant le choeur au plateau des acteurs. Par un procédé d'inversion, la collectivité agit elle-même sur le récit devenu fiction.
Par là même, ce texte interroge le statut et la valeur de la parole, celle qui commente la réalité pour la rendre soit plus intelligible, soit plus opaque. C'est donc l'origine même qui est en question, celle de l'autorité des uns sur les autres, du théâtre sur soi, et de soi sur le système démocratique d'aujourd'hui.
Véritable voyage à travers le temps, cette histoire basque oscille entre vie intime et vie politique. L'auteur se dédouble dans la fiction dramatique pour recomposer la possible histoire d'une famille, la sienne. Les secrets y règnent en maîtres et imposent la violence du silence à toutes et à tous depuis 1898 (alors que l'Espagne perd Cuba) et jusqu'à l'époque contemporaine, marquée par le terrorisme basque.
Haine et culpabilité se répètent. Pourquoi, se demande le narrateur, mes aïeux ont-ils caché une chistera cassée dans une armoire en provenance de Cuba au XIXe siècle ? Pourquoi personne ne veut-il parler de cette lettre de 1985 ? Pourquoi certaines photos de la fête de l'Assomption en 1940 ont-elles disparu de l'album de famille ? Don Alberto a-t-il vraiment écrit un roman ? Que s'est-il passé, dans la ferme familiale, entre les deux frères en 1874 ?
L'auteur déploie, sous forme de palimpseste, le destin de personnages qui ont été les marionnettes des lieux où ils ont vécu. C'est la maestria de la dramaturgie qui les affranchit du temps. Une histoire d'amour en somme.
La Possibilité qui disparaît face au paysage est un récit pour la scène qui parcourt dix villes et îles européennes. Dans chacune d'elles, l'auteur observe une scène de la vie quotidienne de notre monde capitaliste, ou prête la parole à un artiste ou à un penseur, réel ou inventé, explorant les recoins les plus sombres de l'esprit humain, et livrant un regard désenchanté sur l'avenir de la société, de la pensée ou de la nature. Michel Houellebecq, Spencer Tunick, Paul B. Preciado, Blixa Bargeld, et une foule d'anonymes, peuplent ce paysage, le dessinant par métonymie.
GUERRILLA est une fiction théâtrale d'anticipation mêlant plusieurs voix. D'une part celle de la géopolitique mondiale qui se raconte au futur antérieur, analysant les enjeux d'une guerre éclatant en 2023, et d'autre part celles de jeunes gens invités en 2019 à témoigner de leurs histoires familiales traversées par les guerres du xxe siècle. La voix narratrice s'immisce dans les pensées et les conversations d'une génération européenne, pour livrer son histoire et son regard sur le monde, et les mettre en résonance avec le récit des violences présentes.
Nées d'un même processus d'écriture textuelle et scénique, ces deux pièces dialoguent l'une avec l'autre, et composent un diptyque.
« Deux drames antiques, ou plutôt à l'antique. À force de fréquenter, scruter et commenter les tragédies grecques, il m'est venu l'idée, sans doute saugrenue, d'en écrire moi-même. » (B. Deforge)
Il faut dire que Bernard Deforge s'y était déjà essayé puisque, en 2009, il avait publié un drame choral, L'Etoile du Pôle (in Celui qu'Il aimait, Les Belles Lettres), écrit à la manière eschyléenne.
C'est aussi à la manière eschyléenne qu'il a conçu le premier drame de cet ouvrage, Artaxerxès ou le Vase, drame érotique (pour le nommer à la façon des dialogues platoniciens) qui fait le lien entre les Perses d'Eschyle et Esther de Racine.
Quant au second, Jocaste ou la puissante voiture rouge du destin, il serait plutôt d'une dramaturgie sophocléenne, ce qui, de par son sujet, allait de soi, bien qu'il s'agisse d'un drame bourgeois affectant la riche famille Detaibe.
La Maison brûle s'appuie sur les motifs dramatiques de la célèbre pièce de Lorca pour faire du foyer familial un espace micro-fasciste clos sur lui-même. Bernarda, c'est la Mère nourricière qui empêche le désir, qui castre les vivants.
Plus qu'une interprétation de la fable, ce texte propose un accès à des matériaux politiques et esthétiques dans le but de nous dévoiler les arcanes de notre société. C'est une réflexion poétique sur la domination, et dont la langue constitue la structure première.
Les éléments dramatiques du poète andalou se voient confrontés à des produits pharmaceutiques, à des mythes grecs, aux textes de Claude Lévi-Strauss, à Fantaisies masculines du sociologue Klaus Theweleit, ou encore à L'Invention de l'hystérie de Georges Didi-Huberman. En outre, sa dramaturgie met en oeuvre l'univers visuel et textuel de l'artiste new-yorkais Henry Darger, la musique de Gustav Mahler ou le film américain Little Miss Perfect. Ces matériaux forment un dispositif dramaturgique qui permet de mettre en exergue - d'un point de vue dramatique - l'oppression du monde modélisé par le langage et le discours, la fiction y demeurant une interrogation.
Fidèle à son style d'écriture franc, Emilio García Wehbi compose un nouveau paysage de l'oeuvre, un topos, qui selon lui définit le théâtre. Ainsi, les lecteurs doivent s'orienter par eux-mêmes car la notion d'origine, textuelle ou mythique, y est constamment déplacée par le truchement post-dramatique d'un dispositif à la frontière de l'art contemporain et du théâtre : seuls le regard et l'écoute du public seront en mesure de l'évaluer.
Quatre personnages solitaires orchestrent un fait divers plutôt sordide : une urne funéraire, contenant les cendres d'un père, laissée un moment sur le trottoir par la famille, disparaît. Le voleur, qui pensait s'emparer d'un vase de valeur, s'en débarrasse en la jetant dans une benne à vêtements. Un agent d'entretien de l'entreprise de collecte, chargé de s'en défaire, croit bien faire en dispersant les cendres du haut de son immeuble, pour offrir « une fin digne » au défunt. La famille en émoi recherche l'urne et placarde des affichettes. Le voleur et l'agent d'entretien finissent par lui remettre, chacun de leur côté, de « fausses » cendres, qui seront mêlées, puis dispersées, comme prévu, dans un vaste champ couvert de neige, horizon de tous les possibles, du renouvellement, de la continuité. Ce voyage inattendu fait affleurer à la surface les conflits familiaux, les attachements, la douleur silencieuse et l'atavisme qui nous façonnent. Ces minuscules vies sont ballottées par de petits échecs quotidiens, toujours en fuite sans savoir vraiment vers où ni pourquoi. « Sommes-nous autre chose que des cendres ? », se demande l'un d'eux - mais ils entendent désormais tenir debout, prendre le risque d'exister.