Nous sommes en 29 avant notre ère : Octave, le futur empereur, vient de se rendre maître du monde grâce à sa victoire sur Antoine et Cléopâtre, et Virgile publie ses Géorgiques, dédiées à Mécène, un proche d'Octave. Le contenu des quatre chants, tel qu'annoncé dans les premiers vers, laisse attendre un traité d'agriculture. Virgile semble donc soutenir les efforts d'Octave en faveur de l'agriculture italienne et encourager comme lui les Romains à se faire paysans.
Mais Virgile est un poète, peut-être le plus grand poète latin, et Les Géorgiques sont bien autre chose qu'un simple traité. Elles proposent, avec un souffle et une ampleur rarement égalés, une morale fondée sur l'effort et le travail comme conditions de l'élévation de l'homme, en même temps qu'une réflexion sur la place de celui-ci dans la nature. Comme toute grande oeuvre, elles questionnent également le lecteur sur leur sens et l'interprétation qu'il est possible de leur apporter.
Dossier
1. Les Géorgiques ou l'éloge du travail de la terre
2. Travail du paysan, travail du poète
3. La question des excursus et le sens des Géorgiques
4. Postérité de l'oeuvre.
Conférence fictive, ce recueil traite autant de la mort, de la douleur, du chagrin, des affects ou du bonheur qui promet la vertu. En deuil de sa fille, Cicéron s'exhorte lui-même à surmonter la mort et la peine par la réflexion et la maîtrise de soi. Souffrance physique et souffrance morale étant étroitement liées, nous proposons ici une nouvelle traduction du livre III des fameuses Tusculanes. En disciple des stoïciens, le célèbre orateur prône la fermeté et la force de caractère pour nous dire que la philosophie reste la meilleure médecine de l'âme.
Que les bêtes brutes possèdent par nature un certain sens moral et qu'elles partagent avec l'homme bon nombre de merveilleux privilèges qui ont été impartis aux humains, voilà bien quelque chose de grandiose. (Prologue)
Il y a des livres qui surgissent du néant pour créer une postérité littéraire sans précédent. Le Satiricon fait partie de ceux-là : on ne sait rien de vraiment sérieux sur son auteur, à part quelques suppositions qui ont varié avec le temps et les professeurs d'universités. Le texte, lui aussi, est balafré de part en part, pourri de lacunes que les siècles eux n'ont pas réussi à combler.
Restent des extraits. Dont l'ensemble forment une oeuvre surprenante de modernité. Au détour d'une page, on tombe nez à nez avec un loup-garou saisi d'un délire urinatoire. Ou alors, on se prend à écouter des parodies de déclamationes que chérissaient tant les Romains de l'Empire... Sans parler de sexe, qui fit la réputation sulfureuse de Pétrone.
Ce n'est pas pour rien que Pascal Quignard en fait l'origine du roman, sous le signe de la satire, du mélange des genres, pour le dire à la mode d'aujourd'hui, forgeant une généalogie vertueuse du vice.
La traduction de Héguin de Guerle a les charmes grivois de la belle infidèle. A déguster avec parcimonie.
OSV
Il est plus difficile de rencontrer un homme sachant supporter le bonheur que le malheur. (VIII, 4, 14)
À l'époque où, dans la partie occidentale de l'Empire romain, régnait Honorius, des Barbares s'emparèrent de son territoire. Qui étaient-ils ? Comment s'y prirent-ils ? C'est ce que je vais dire. (I, 2, 1)
Fruit d'un travail collectif de plusieurs années faisant intervenir historiens et spécialistes de littérature latine, cette nouvelle traduction des oeuvres complètes de César, unique en son genre, est un tour de force. D'abord parce qu'elle rend à César ce qui est à César écrivain, c'est-à-dire son incomparable prose, élégante, rapide, percutante, qui tient le lecteur en haleine de bout en bout. Ensuite parce qu'elle rend à César ce qui est à César le politique, conquérant génial et «dictateur démocrate» - sans doute l'homme d'État le plus connu de tous les temps - en éclairant de manière simple et savante à la fois les enjeux historiques tacites ou au contraire mis en scène dans le texte. Enfin, parce qu'elle plonge le lecteur dans une période décisive de l'Histoire et qui a aujourd'hui tant à nous dire : l'explosion rapide de la République et le lent effritement des modèles qu'elle avait suscités, la crainte perpétuelle de la chute et de la barbarie, mais aussi de la tyrannie, la soif inextinguible de conquêtes et de renouveau sont autant d'échos que notre édition rend accessibles au lecteur contemporain.
Non, je n'écris pas cela par complaisance pour mon père. Je l'affirme, toutes les fois que je vois mon père se tromper, et je m'attache à la vérité. (XIV, 7, 3)
Cette traduction, totalement nouvelle, prend acte de la redécouverte des comédies de Plaute par Pierre Letessier, comme « comédies musicales ». D'où un dispositif simple qui découpe le texte en « scènes » selon qu'elles sont ou non chantées et dansées, ce qu'aucune édition jusqu'ici n'avait pris en compte. Autre découverte à l'origine de cette traduction : Plaute est un théâtre du jeu. Jeux de mots et jeux du corps (danse), jeux avec les conventions scéniques, jeux d'allusions à la société romaine, jeux entre le latin et le grec, car le grec était à l'époque de Plaute la langue des élites cultivées comme des marchands et des esclaves. C'est pourquoi les termes grecs du texte de Plaute sont traduits par de l'anglais basic. Une fois débarrassé de ses interprétations classiques et de ses lectures modernes réalistes, le texte de Plaute est un festival de jeux entre les mots du poète, la voix du chanteur, le corps des comédiens, la musique de la "tibia". Cette édition en intégrale sera un outil de travail inégalé pour les professionnels du spectacle, les enseignants et les étudiants, tout en offrant un plaisir de lecture inattendu au grand public.
Lucien est né vers 120 après J.-C., à Samosate, aux confins de l'Empire romain, alors à l'apogée de sa puissance. Très vite, il abandonne sa langue natale, sans doute l'araméen, pour embrasser la culture grecque. Devenu un brillant orateur, il voyage dans le Bassin méditerranéen, où son éloquence mordante lui vaut fortune et gloire. Malgré les siècles qui nous séparent de lui, son scepticisme désabusé, son refus des fanatismes, de la superstition, des faux prophètes, des cultes irrationnels, des maîtres à penser qui manipulent la jeunesse, sont d'une actualité brûlante. Le regard qu'il porte sur la société est très noir : il voit avec dégoût triompher convoitise, cruauté, servilité, vulgarité... Satiriste dans l'âme, il stigmatise l'hypocrisie sous toutes ses formes. Son humour est dévastateur, qu'il caricature coquettes, pédants, gloutons, débauchés, ou misanthropes. Le rire, cruel ou bon enfant, est toujours présent, notamment quand il revisite la mythologie traditionnelle et campe des dieux bougons, colériques, jaloux... Ses voyages fantaisistes sur la lune, au fond des Enfers ou dans le ventre d'une baleine, témoignent d'une imagination sans limite et sont d'une drôlerie irrésistible. Cette oeuvre si riche, qui joue de manière irrévérencieuse avec les modèles hérités de la Grèce classique, a inspiré les grands humanistes (Thomas More, Érasme, Rabelais, Cyrano de Bergerac, Fénelon, Fontenelle, Swift) et même certains peintres de la Renaissance. Comme Plutarque, mais à sa manière ironique, Lucien a été un des relais principaux entre l'Antiquité gréco-latine et nous. Cette traduction intégrale (à l'exception de quelques textes apocryphes, rejetés par la majorité des critiques), est la première en France depuis celle d'Émile Chambry, qui date de 1933-1934.
Anne-Marie Ozanam est professeur de latin et de grec en première supérieure (khâgne). Elle a publié aux Belles Lettres, outre cinq recueils consacrés à Lucien, des traductions de César, Tacite et Alciphron, et aux éditions Gallimard, la traduction intégrale des Vies parallèles de Plutarque.
L'oeuvre poétique de Virgile, qui vécut au tournant du premier siècle de notre ère en Italie, a traversé les siècles et fasciné les plus grands esprits de l'histoire. Comment expliquer cette longévité ?
Outre le charme subtil et vibrant de sa langue, pourquoi ressentons-nous l'impression de nous ressourcer en lisant l'Enéide ou les Géorgiques ?
Sans doute parce que Virgile est une vigie pour notre époque tourmentée, comme le démontre Xavier Darcos avec érudition, générosité et finesse. En latiniste émérite, féru de poésie et connaisseur intime du monde antique, il nous donne à comprendre et à entendre cette oeuvre majeure aux échos sonores et actuels : vivre en harmonie dans une nature magnifiée, ancrer la paix dans un récit fédérateur, trouver le sacré autour de nous, exalter les vertus chez l'homme et notamment la fides, ce sens de la loyauté si capital dans le monde romain.
En parcourant ce livre dense et alerte, on mesure à quel point lire Virgile aujourd'hui, loin d'être un passe-temps suranné, est sans doute un des moyens d'analyser les tumultes de notre temps et d'en percevoir les remèdes possibles.
Membre de l'Académie française et de l'Académie des sciences morales et politiques, universitaire et homme public, plusieurs fois ministre et ambassadeur, Xavier Darcos est l'auteur d'essais sur l'école, ainsi que de nombreuses publications consacrées à la poésie française, à l'histoire littéraire et à la latinité.
En référence à la question posée par Foucault ("Qu'est-ce qu'un auteur ?", 1969), la réflexion collective menée ici propose de revenir sur les fondements sémantiques de la notion et sur son lien originaire avec celle d' "autorité". Il s'agit d'explorer, au travers de ces 15 contributions, la riche polysémie du latin auctor, dans ses implications juridiques et politiques, philosophiques et théologiques, rhétoriques et littéraires, et dans son évolution vers le français `auteur'. Une première section présente les sens fondamentaux de auctor : étymologie et rapports avec le verbe augeo, examen de divers cas de synonymie. La deuxième est consacrée aux aspects institutionnels et historiques : signification de la formule patres auctores à propos du Sénat romain, autorité politique et auctoritas historiographique chez Tite-Live et chez Tacite, image au fil des siècles de Brutus, fondateur de la république romaine et artisan de liberté. La troisième envisage les usages philosophiques (auctor et auctoritas chez Cicéron, auctor et interpres chez Sénèque), les développements littéraires (passage au ier siècle du sens de "garant" à celui d' "auteur" comme modèle à suivre ou initiateur d'un genre, construction d'une persona auctoriale chez Jérôme), enfin l'idée d' "auteur divin" dans la pensée païenne puis chrétienne (auctor uniuersi et expressions similaires). La quatrième partie porte sur les prolongements et mutations du Moyen Âge et de la Renaissance : statut de l'auteur dans la réécriture des textes hagiographiques et dans l'écriture épistolaire, émergence aux xvie-xviie siècles de la figure moderne, qui s'affranchit de la tradition et affirme son originalité.