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SKA
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Elle s'évade de l'enfermement d'un deuil impossible à l'aide de son imaginaire...
[...] ELLE LE SAVAIT, étouffant vite la tentation, cachant ce désir au fond d'elle-même, n'osant pas raviver des souvenirs trop douloureux. Et puis elle a fini par craquer ; un jour d'hiver particulièrement gris, sans réfléchir trop longtemps, elle l'a apporté dans sa chambre, près de son lit : un lit d'enfant, blanc avec un tour de lit où se poursuivent de petits ours en casquettes rouges. Voilà, c'était fait ; il était trop tard pour reculer. Elle n'était plus seule dans sa maison au bord du lac ; elle y avait inventé un enfant. SON enfant. Julien, son petit trop vite disparu.
SKA participe à la promotion de la nouvelle noire. Nous avons sélectionné ce texte parmi les lauréats du concours de nouvelles 2021 des Ancres Noires du Havre. Pascale Doudeau aborde le deuil d'un enfant au sein d'un couple à la dérive avec beaucoup de sensibilité et de brio narratif qui font de cette auteure une espoir à suivre. -
Glacial, l'atmosphère du repas répond à l'actualité de ce Noël 89...
LE TELEPHONE A L'OREILLE, la Fille regardait par la fenêtre. La rue brillait de décorations, on avait suspendu des couronnes et des guirlandes. Des chants de Noël s'échappaient des haut-parleurs accrochés aux lampadaires. Etrangère à cette effervescence, elle grignotait l'ongle de son pouce. La Mère décrocha. Elles échangèrent quelques banalités pour en arriver à l'essentiel.
- Je viens à quelle heure samedi pour t'aider en cuisine ?
- Pas la peine de venir, t'inquiète pas. Je n'ai pas besoin de toi.
- Ben quand même ! Moi j'aimerais bien participer. D'abord je pourrai voir comment tu fais et puis ça me fait plaisir de préparer le repas avec toi.
- Oui mais tu me connais ...
- Allez, s'il te plait ! Je serai ta petite main. Au fait, j'achète le sapin ?
- Hors de question ! ça perd ses épines, on en colle partout...
- Mais pour une fois que vous êtes là à Noël...
- N'insiste pas ! On se fait déjà un repas avec des petits plats ! C'est bien suffisant.
Images glaçantes à l'écran, allumé pour le réveillon familial, pas de quoi dégeler l'atmosphère mortifère. -
Marcelin a enfoui dans sa mémoire un lourd secret jusqu'à l'oublier. Mais le destin peut disposer parfois d'un révélateur cruel...
TOUT LE MONDE n'a pas la chance d'être né fils de riches quincailliers-bazar disparus en mer aux abords de Venise lors d'une croisière à six cent cinquante euros la semaine.
À dix-huit ans et un jour, Marcelin l'eut.
*
Son portrait :
Grand, fin, sec, paire de lunettes mutualiste, front bas coupé en deux par une fine ride horizontale. Bouche assortie. Lèvres aussi minces que les queues des cerises. Et un nez.
Le nez ?... Surplombant un buisson d'épineux, un bout de chair déjà vieux avec des trous pour respirer. Comme le hasard ne fait rien à la légère, Marcelin naquit sourd d'une oreille, la gauche, et radin comme pas deux !
Si l'estime était un vent, beaucoup de mes amis auraient les cheveux ébouriffés. Ceux de Marcelin, pareils à une fiente tombée du ciel, humide et argileuse, sur la peau de son crâne bosselé semblaient s'être figés depuis toujours.
Sa vie (ce que nous en savions) :
Enfance solitaire. Deuil des parents.
Vente du commerce familial.
Acquisition de l'ancienne maison du docteur Fretin décédé, Villa Verlaine.
Achat d'un costume. Quarante années.
Cent soixante saisons. Quatorze mille six cents jours... et autant de demi-baguettes trempées dans du chocolat.
Sa mort :
Prématurée.
Rien ne vient jamais combler l'absence d'amour de ses géniteurs. La solitude en est le prix surtout lorsque la mémoire met le boisseau sur d'infames souvenirs. Mais le destin est en embuscade dans toute sa noirceur. La naissance de Marcelin est anthologique. Cazenave nous invite à pénétrer un univers constitué de personnages déglingués pour lesquels on ne peut se dispenser d'avoir pour eux une grande tendresse, finalement.