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Seuil
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La cause est entendue : l'homme n'est pas son corps, il est un esprit ou un moi qui n'est lié que subsidiairement à celui-ci ; il appartient à un ordre de réalités plus élevé. Il est un étranger dans le monde et n'y traîne qu'une existence diminuée. La révolution scientifique du xviie siècle nous a enseigné une fois pour toutes que seules existent les particules de la physique et que le monde des sens se réduit à une apparence. Désormais, les promoteurs de l'IA et du transhumanisme nous promettent un avenir radieux où nous serions délivrés d'une partie de cette enveloppe de notre système nerveux central, dépourvue de valeur, car ne véhiculant aucune information exploitable sous forme d'algorithmes qui pourrait augmenter nos capacités par l'interface avec la machine.
Ce livre nous invite à rompre avec ces évidences. Il cherche à lever les obstacles théoriques qui semblent nous interdire de considérer notre corps comme étant nous-mêmes et la perception comme une saisie directe des choses dans leur réalité, indépendante de notre esprit. Déployant une réflexion sur les principes, il voudrait nous faire prendre conscience de ce que nous sommes à la fois dans le monde et du monde, en sorte que notre destin est inexorablement lié avec le sien.
Aujourd'hui plus que jamais, la tâche de la philosophie n'est pas de nous permettre de transcender notre environnement sensible mais de nous ramener à lui et de nous aider à y reprendre place en méditant « notre condition merveilleusement corporelle », comme dit Montaigne.Claude Romano enseigne à Sorbonne-Université et à ACU Melbourne. Il a reçu le grand prix de philosophie de l'Académie française en 2020 pour l'ensemble de son oeuvre. Il a récemment publié Être soi-même (Gallimard, 2019) et L'Identité humaine en dialogue (Seuil, 2022). -
Le désir de se débarrasser de la politique est de plus en plus répandu. Il rend manifeste l'existence d'une crise, qui nous contraint à nous demander : « Qu’est-ce que la politique ? » Voilà la question permanente de la pensée de Hannah Arendt, posée face au choc de l’événement totalitaire et au développement de nouveaux moyens d’anéantissement.
La réponse tient dans deux thèses qui se trouvent déployées dans ce livre : l’essence de la politique est la pluralité ; son sens est la liberté.
Cet ouvrage nous invite à comprendre pourquoi la philosophie s’est toujours révélée incapable de penser l’action collective, afin de nous faire entrer progressivement dans la politique en tant que domaine, c'est-à-dire dans la réalité des expériences qui la constituent.
Pour se saisir des promesses que la politique recèle, abdiquons toute volonté de spéculation et laissons place à la pensée.
Hannah Arendt, née à Hanovre en 1906, est l’une des plus belles figures intellectuelles du XXe siècle. Élève de Husserl, Heidegger et Jaspers, elle s’exile en 1941 aux États-Unis, où elle enseignera la philosophie et les sciences politiques. Elle est l’auteur d’ouvrages aussi célèbres que Les Origines du totalitarisme, Condition de l’homme moderne, La Crise de la culture ou Eichmann à Jérusalem.
Nouvelle traduction, édition augmentée de cinq textes inédits. -
Trois visées philosophiques traversent cette suite d'études. Selon la première, est cherché pour le soi un statut qui échappe aux alternances d'exaltation et de déchéance qui affectent les philosophies du sujet en première personne : dire soi n'est pas dire je. Tenu pour le réfléchi de toutes les personnes grammaticales - comme dans l'expression : le souci de soi -, le soi requiert le détour d'analyses qui amènent à articuler diversement la question qui ? Qui est le locuteur de discours ? Qui est l'agent ou le patient de l'action ? Qui est le personnage du récit ? A qui est imputée l'action placée sous les prédicats du bon ou de l'obligatoire ?
Deuxième visée : l'identité que suggère le terme "même" est à décomposer entre deux significations majeures : l'identité-idem de choses qui persistent inchangées à travers le temps, et l'identité-ipse de celui qui ne se maintient qu'à la manière d'une promesse tenue.
Enfin, c'est l'antique dialectique du Même et de l'Autre qui doit être renouvelée si l'autre que soi-même se dit de multiples façons ; le "comme" de l'expression "soi-même comme un autre" peut dès lors signifier un lien plus étroit que toute comparaison : soi-même en tant qu'autre.
P. R.
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Les Lumières à l'âge du vivant
Corine Pelluchon
- Seuil
- L'Ordre philosophique
- 7 Janvier 2021
- 9782021425024
Comment défendre les Lumières aujourd’hui ? Leur idéal d’émancipation a-t-il encore un sens ?
On ne saurait se borner à invoquer un esprit des Lumières immuable dans un contexte marqué par le réveil du nationalisme, les crises environnementales et sanitaires et l’augmentation des inégalités. Faire face au danger d’effondrement de notre civilisation sans renoncer à la rationalité philosophico-scientifique, mais en tenant compte de notre dépendance à l’égard de la nature et des autres vivants : telle est la démarche qui fonde ce livre. Pour combattre les anti-Lumières qui souhaitent rétablir une société hiérarchique ou théocratique et répondre aux accusations des postmodernes qui suspectent tout universalisme d’être hégémonique, il faut donc proposer de nouvelles Lumières. Celles-ci supposent de revisiter l’histoire des Lumières, mais aussi de lutter contre l’amputation de la raison qui a été réduite à un instrument de calcul et d’exploitation.
L’objectif des Lumières à l’âge du vivant et de leur projet d’une société démocratique et écologique est bien de destituer le principe de la domination - une domination des autres et de la nature à l’intérieur et à l’extérieur de soi qui traduit un mépris du corps et de la vulnérabilité.
Corine Pelluchon est philosophe et professeur à l’université Gustave-Eiffel. Elle a publié une dizaine d’ouvrages, parmi lesquels Les Nourritures. Philosophie du corps politique (Seuil, 2015, Points, 2020), Éthique de la considération (Seuil, 2018) et Pour comprendre Levinas (Seuil, 2020). Son œuvre a été récompensé en 2020 par le prix de la pensée critique Günther Anders. -
«L'ouvrage comporte trois parties nettement délimitées par leur thème et leur méthode. La première, consacrée à la mémoire et aux phénomènes mnémoniques, est placée sous l'égide de la phénoménologie au sens husserlien du terme. La deuxième, dédiée à l'histoire, relève d'une épistémologie des sciences historiques. La troisième, culminant dans une méditation sur l'oubli, s'encadre dans une herméneutique de la condition historique des humains que nous sommes.
Mais ces trois parties ne font pas trois livres. Bien que les trois mâts portent des voilures enchevêtrées mais distinctes, ils appartiennent à la même embarcation destinée à une seule et unique navigation. Une problématique commune court en effet à travers la phénoménologie de la mémoire, l'épistémologie de l'histoire, l'herméneutique de la condition historique : celle de la représentation du passé.
Je reste troublé par l'inquiétant spectacle que donne le trop de mémoire ici, le trop d'oubli ailleurs, pour ne rien dire de l'influence des commémorations et des abus de mémoire - et d'oubli. L'idée d'une politique de la juste mémoire est à cet égard un de mes thèmes civiques avoués.»
Paul Ricœur -
Faire ensemble : Reconstruction sociale et sortie du capitalisme
Franck Fischbach
- Seuil
- L'Ordre philosophique
- 31 Octobre 2024
- 9782021532630
Il n’a jamais été aussi urgent de faire oeuvre commune pour faire face au changement climatique, à l’effondrement de la biodiversité, mais aussi pour assurer le soin des populations, remédier à la précarisation des vies, aux inégalités… Pourtant cette capacité à faire ensemble, à agir de manière véritablement sociale et à faire du collectif un véritable sujet pratique se trouve aujourd’hui minorée ou ignorée au profit de la seule rationalité de l’agent individuel. C’est que les fondements philosophiques d’un agir commun doivent encore être mis au jour.
En inscrivant ses pas dans la tentative encore méconnue des « Jeunes hégéliens », ce livre montre que l’essence humaine réside dans son oeuvre commune, qu’elle est un « faire ensemble ». Mais, loin de valoriser de manière abstraite ou incantatoire l’association et la coopération, il s’agit de faire comprendre que nous sommes d’ores et déjà engagés pratiquement les uns envers les autres. Cet engagement, de nature sociale, se distingue des dimensions économiques et politiques de l’existence qui occupent souvent le devant de la scène des pensées critiques. Or, la mutualité de nos relations constitue le meilleur antidote aux rapports de domination.
Ainsi, déployer ces relations par lesquelles nous nous associons les uns aux autres dans des liens de complémentarité et de réciprocité peut nous aider à nous approprier le sens social de nos vies et à en maîtriser démocratiquement les conditions de réalisation.
Franck Fischbach est professeur de philosophie allemande à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il a notamment publié Manifeste pour une philosophie sociale (La Découverte, 2009), Après la production. Travail, nature et capital (Vrin, 2019) et Pour la Théorie critique. Raison, nature et société (Vrin, 2024). -
La société des affects ; pour un structuralisme des passions
Frédéric Lordon
- Seuil
- L'Ordre philosophique
- 5 Septembre 2013
- 9782021119855
Voilà que les sciences sociales contemporaines se prennent de passion pour les " émotions ". Mais le risque est grand que ce " tournant émotionnel " les fasse tomber dans un individualisme sentimental qui porte à son comble l'abandon des structures, des institutions et des rapports sociaux, par construction coupables de ne pas faire de place aux choses vécues.
Comment articuler les affects et les désirs des hommes avec le poids de détermination des structures ? Comment penser ensemble ces deux aspects également pertinents – et manifestement complémentaires – de la réalité sociale, que rien ne devrait opposer en principe ? Tel est le projet d'un " structuralisme des passions " qui fait travailler les concepts fondamentaux de Spinoza – le conatus et les affects – dans la pensée de Marx, Bourdieu et Durkheim. Et qui livre par là une nouvelle perspective sur la part passionnelle des structures du capitalisme et de leurs crises.
Économiste devenu philosophe, Frédéric Lordon s'attache au fond par ce travail à la " réfection de nos sous-sols mentaux ". Parce que seule la destruction du socle métaphysique de la pensée libérale permet de concevoir que le déterminisme structural n'est nullement incompatible avec une pensée de la transformation sociale.
Directeur de recherche au CNRS, Frédéric Lordon est notamment l'auteur de L'Intérêt souverain (2006), J usqu'à quand ? Pour en finir avec les crises financières (2008), Capitalisme, désir et servitude (2010) et D'un retournement l'autre (2011).
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La condition anarchique ; affects et institutions de la valeur
Frédéric Lordon
- Seuil
- L'Ordre philosophique
- 4 Octobre 2018
- 9782021406818
Disons les choses d’emblée : la condition anarchique ici n’a rien à voir avec l’anarchisme qui intéresse la théorie politique. Lue étymologiquement, comme absence de fondement, an-arkhé, elle est le concept central d’une axiologie générale et critique. Générale parce qu’elle prend au sérieux qu’on parle de « valeur » à propos de choses aussi différentes que l’économie, la morale, l’esthétique, ou toutes les formes de grandeur, et qu’elle en cherche le principe commun. Critique parce qu’elle établit l’absence de valeur des valeurs, et pose alors la question de savoir comment tient une société qui ne tient à rien.
Aux deux questions, une même réponse : les affects collectifs. Ce sont les affects qui font la valeur dans tous les ordres de valeur. Ce sont les affects qui soutiennent la valeur là où il n’y a aucun ancrage. Dans la condition anarchique, la société n’a que ses propres passions pour s’aider à méconnaître qu’elle ne vit jamais que suspendue à elle-même.
Frédéric Lordon est chercheur en philosophie au CNRS. Sous le programme d’un « structuralisme des passions », il s’intéresse aux usages de la philosophie de Spinoza en sciences sociales. Il a publié, entre autres, Capitalisme, désir et servitude (La Fabrique, 2010), Imperium (La Fabrique, 2015) et Les Affects de la politique (Seuil, 2016). -
Histoire de la philosophie de Thomas d'Aquin à Kant
Martin Heidegger
- Seuil
- L'Ordre philosophique
- 10 Novembre 2023
- 9782021421552
Au semestre d'hiver 1926-1927, tandis que Heidegger est en train d'achever son maître-livre Être et Temps, il dispense un cours qui offre une grande traversée dans l'histoire de la philosophie. Celui-ci constitue à bien des égards le laboratoire de l'ouvrage.
Heidegger y trace en effet un chemin entre la métaphysique moderne et la théologie médiévale, en avançant l'idée que la doctrine moderne de l'être qui se déploie autour du « Je » cartésien doit se comprendre à partir de la doctrine de saint Thomas. Le philosophe scolastique apparaît lui-même comme le point de consolidation de la métaphysique antique, entièrement refondue dans le cadre de la théologie chrétienne. Heidegger entreprend ensuite une analyse - inédite dans son oeuvre - de l'Éthique de Spinoza, faisant émerger le spinozisme comme la seule philosophie moderne, avant Hegel, qui soit parvenue à penser l'être absolument.
Tout en corrigeant l'idée que Heidegger aurait exclu Spinoza de sa compréhension de la métaphysique, ces leçons représentent également un document de premier ordre pour reconstituer la genèse de sa réflexion : ce serait pour pallier les lacunes d'une métaphysique au sein de laquelle l'être est rabattu sur la substance ou le sujet que le philosophe se serait vu confronté à la nécessité de tenter un nouveau commencement pour la pensée.
Martin Heidegger (1889-1976) est considéré comme l'un des philosophes majeurs du XXe siècle, dont l'influence a été considérable, d'Arendt à Foucault en passant par Sartre ou Levinas. Son engagement en faveur du national-socialisme à partir des années 1930 a été présenté et discuté dans de nombreux ouvrages, dont, au Seuil, Heidegger et l'antisémitisme de Peter Trawny (Points, 2023). -
Éthique de la considération
Corine Pelluchon
- Seuil
- L'Ordre philosophique
- 11 Janvier 2018
- 9782021321609
Pourquoi avons-nous tant de mal à changer nos styles de vie alors que plus personne ne peut nier que notre modèle de développement a un impact destructeur sur le plan écologique et social ni douter de l’intensité des violences infligées aux animaux ?
Relever ce défi implique de combler l’écart entre la théorie et la pratique en développant une éthique des vertus. Au lieu de se focaliser sur les principes ou sur les conséquences de nos actes, celle-ci s’intéresse à nos motivations concrètes, c’est-à-dire aux représentations et aux affects qui nous poussent à agir. Quels traits moraux peuvent nous conduire à être sobres et à avoir du plaisir à faire le bien, au lieu d’être constamment déchirés entre le bonheur et le devoir ?
L’éthique de la considération prend sa source dans les morales antiques, mais elle rejette leur essentialisme et s’appuie sur l’humilité et sur la vulnérabilité. Alors que Bernard de Clairvaux fait reposer la considération sur une expérience de l’incommensurable supposant la foi, Corine Pelluchon la définit par la transdescendance. Celle-ci désigne un mouvement d’approfondissement de soi-même permettant au sujet d’éprouver le lien l’unissant aux autres vivants et de transformer la conscience de son appartenance au monde commun en savoir vécu et en engagement. La considération est l’attitude globale sur laquelle les vertus se fondent au cours d’un processus d’individuation dont l’auteur décrit les étapes.
Corine Pelluchon est philosophe et professeur à l’université Paris-Est-Marne-La-Vallée. Elle est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages, dont Les Nourritures. Philosophie du corps politique (Seuil, 2015), prix Édouard Bonnefous de l’Académie des Sciences morales et politiques et prix de l’essai Paris-Liège. -
Temps et récit Tome 3 ; le temps raconté
Paul Ricoeur
- Seuil
- L'Ordre philosophique
- 25 Octobre 2013
- 9782021144987
Temps et récit III remet en scène les trois protagonistes de Temps et récit I et II : l'historiographie, la théorie littéraire du récit de fiction et la phénoménologie du temps. Mais le débat se déplace cette fois du travail de configuration temporelle interne au récit, au pouvoir qu'a celui-ci de refigurer, autrement dit d'éclairer et de transformer, l'expérience quotidienne du temps.
L'hypothèse mise à l'épreuve par la première section de ce livre est que la phénoménologie, en s'élargissant et s'approfondissant, de saint Augustin à Heidegger, aboutit, en regard de la cosmologie, à une incontournable Aporétique du temps.
La seconde section montre comment, à ces impasses de la pensée, la Poétique du récit peut répondre, et qu'elle y parvient plus précisément avec les ressources conjointes - entrecroisées - de l'histoire et de la fiction. Une réponse qui ne saurait résoudre les paradoxes soulevés par la spéculation philosophique, mais leur donne la réplique d'une création réglée, parente de celle naguère explorée dans la Métaphore vive.
Un retour critique sur le chemin parcouru dans les trois volumes explore alors les limites que rencontre la fonction narrative dans son ambition à se mesurer aux apories que la phénoménologie du temps découvre et suscite : que le temps soit notre condition même marque une butée devant laquelle toute analyse s'interrompt.
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Articuler pour notre temps une philosophie qui, quant à la pensé de l'être, ouvre une autre voie que celle de Heidegger (soit celle de mathème plutôt que celle du poème) et, quant à la doctrine du sujet, se tienne au-delà de Lacan : tel est l'enjeu.
Pour ce qui est de l'être, la thèse radicale est que, depuis son origine grecque, c'est la mathématique et elle seule qui en déploie le processus de pensée ; et que, de la mathématique aujourd'hui, le référent est la théorie cantorienne des ensembles. D'où se déduit une ontologie du pur multiple.
Reste qu'existe un site de " ce qui n'est pas l'être " : c'est celui de l'événement, terme surnuméraire pour un franchissement indécidable au savoir et dont la vérité est toujours par avance indiscernable.
Le sujet, dès lors, loin d'être le garant ou le support de la vérité, en est bien plutôt une instance locale, improbable, qui tire du devenir aléatoire d'une vérité dans l'événement son peu d'être. Il n'en tisse pas moins une fidélité qui s'inscrit dans l'art, la science, la politique et l'amour.
Alain Badiou
Philosophe, dramaturge et romancier, enseigne la philosophie à l'université de Paris-VIII Vincennes et au Collège international de philosophie.
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Esthétique de la rencontre ; l'énigme de l'art contemporain
Baptiste Morizot, Estelle Zhong mengual
- Seuil
- L'Ordre philosophique
- 18 Octobre 2018
- 9782021404241
Qu’est-ce qui fait que quelque chose se passe devant une œuvre – ou qu’il ne se passe rien ?
À la croisée de la philosophie et de l’histoire de l’art, ce livre part sur la piste de nos relations à l’art contemporain, et aux œuvres d’art en général.
Et d’abord, une énigme : pourquoi avons-nous souvent l’impression, à l’occasion d’expositions d’art contemporain, que les œuvres sont indisponibles ? Comme si elles n’étaient pas là pour être appréciées, rencontrées. Comment expliquer ces rencontres manquées, autrement que par une inculture du visiteur ou une décadence de l’art contemporain ? Cet échec de communication est ici élucidé à travers une généalogie des contraintes qui pèsent conjointement sur la création contemporaine et sa réception.
Mais à l’inverse, comment comprendre ce qui a lieu, quand il se passe quelque chose, lorsqu’on est saisi par un livre, dévoré vif par un tableau, déplié par une mélodie – simultanément foudroyé et reconstruit par la rencontre avec une œuvre ?
Baptiste Morizot et Estelle Zhong Mengual enquêtent sur le pouvoir de l’art à nous transformer et à se constituer en un lieu privilégié de rencontres individuantes : celles qui nous font.
Écrivain et chercheur en philosophie, Baptiste Morizot est maître de conférences à Aix-Marseille Université. Il est l’auteur de Les Diplomates (Wildproject, 2016) et de Sur la piste animale (Actes Sud, 2018).
Normalienne et docteure en histoire de l’art de Sciences Po Paris, Estelle Zhong Mengual est l’auteure de L’Art en commun (Presses du Réel, 2018). -
Un geste ou une parole devraient suffire, et pourtant... Consoler est une activité difficile qui implique de prendre la parole sur une souffrance que l'on ne partage pas, mais à laquelle on cherche à prendre part. Comment, sans la trahir, se frayer un chemin jusqu'à l'intimité de l'autre ? Quels mots employer qui ne suscitent pas le soupçon ?
Ces questions relèvent aujourd'hui de la psychologie ou de la religion. Pourtant, la philosophie a longtemps été un baume pour les douleurs humaines. De Platon à Boèce en passant par les stoïciens, la raison s'impose comme la grande consolatrice. En s'appuyant sur cette tradition, ce livre propose dans un premier temps une grammaire de la consolation. Acte social qui mobilise le langage, la consolation dit quelque chose de la condition humaine. Si elle ne résorbe pas la souffrance, elle répond à la " souffrance de la souffrance " qui est solitude, honte ou culpabilité. Le consolateur apprend à vivre au-delà du point où cela semble impossible.
Si l'homme est un animal qui a besoin de consolation, il reste que la philosophie moderne semble avoir abandonné le projet de satisfaire ce désir. Nous ne croyons plus qu'il existe un savoir qui, à lui seul, permette d'affronter les tourments de la vie. Cette défiance constitue un événement dont ce livre, dans sa deuxième partie, retrace l'histoire. L'auteur montre que nous vivons le " temps de la consolation ", c'est-à-dire un temps marqué par la perte des modèles communautaires, rationnels et amoureux qui justifiaient l'existence face au pire. Repenser la consolation, c'est éviter le double écueil de la restauration de ces anciens modèles et du renoncement mélancolique au sens.
Michaël Fœssel, né en 1974, est philosophe, maître de conférences à l'université de Bourgogne et professeur à l'École polytechnique. Il est notamment l'auteur de La Privation de l'intime (Seuil, 2008) et d' Après la fin du monde. Critique de la raison apocalyptique (Seuil, 2012).
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Francis Bacon ; logique de la sensation
Gilles Deleuze
- Seuil
- L'Ordre philosophique
- 25 Avril 2014
- 9782021010640
«Pitié pour la viande ! Il n'y a pas de doute, la viande est l'objet le plus haut de la pitié de Bacon, son seul objet de pitié, sa pitié d'Anglo-Irlandais. Et sur ce point, c'est comme pour Soutine, avec son immense pitié de Juif. La viande n'est pas une chair morte, elle a gardé toutes les souffrances et pris sur soi toutes les couleurs de la chair vive. Tant de douleur convulsive et de vulnérabilité, mais aussi d'invention charmante, de couleur et d'acrobatie. Bacon ne dit pas «pitié pour les bêtes» mais plutôt tout homme qui souffre est de la viande. La viande est la zone commune de l'homme et de la bête, leur zone d'indiscernabilité, elle est ce «fait», cet état même où le peintre s'identifie aux objets de son horreur ou de sa compassion. Le peintre est boucher certes, mais il est dans cette boucherie comme dans une église, avec la viande pour Crucifié («peinture» de 1946). C'est seulement dans les boucheries que Bacon est un peintre religieux.»
G. D. -
La surprise : Crise dans la pensée
Natalie Depraz
- Seuil
- L'Ordre philosophique
- 19 Avril 2024
- 9782021551518
J’ai une surprise pour toi ! Le moment de stupéfaction passé, l’esprit se met en mouvement, rationalise. La surprise, cette inconnue des philosophes, cet instantané inassimilable, blanc d’antenne dans l’esprit, sursaut dans le corps, est rapatriée au pays des concepts, étonnement, admiration, événement, altérité, et des philosophes, Platon, Aristote, Descartes, Heidegger, Levinas. Au risque d’y disparaître ?
Que fait la surprise à la philosophie ? Il y a en elle de l’incongru. Prenant le sujet à revers, elle exerce une emprise, là où la philosophie veut interroger sereinement, à distance. La surprise est transformatrice. Elle suscite un autre récit, étranger à l’histoire des herméneutiques du sens. Tournée vers l'avenir, elle est créatrice d’attentes.
Cet ouvrage propose ainsi une histoire de la philosophie ni dialectique ni élitaire. Une histoire des ébauches du sens, des incertitudes du soi. La surprise ouvre le sujet, le déplace au-delà, dans son ouverture politique, théologique, écologique. Aussi, les transcendances collectives, loin d’être des excroissances subjectives, sont la matière de l’ouverture du soi. La surprise est promesse d’horizons impensés, pourtant déjà là. Rendre compte de cette promesse, c’est faire le récit d’un futur présent sous nos yeux, pour qui sait voir.
Natalie Depraz est philosophe, Professeure à Paris Nanterre. Spécialiste de phénoménologie, elle dialogue avec les champs scientifiques, politiques et littéraires. -
Après la fin du monde ; critique de la raison apocalyptique
Michaël Foessel
- Seuil
- L'Ordre philosophique
- 11 Octobre 2012
- 9782021094633
Notre temps est, dit-on, celui des catastrophes. Face aux crises sanitaires, écologiques ou à la menace nucléaire, la croyance dans le progrès a cédé la place à l'angoisse. Cette résurgence des thèmes apocalyptiques est plus qu'un symptôme. La dissolution moderne des hiérarchies traditionnelles a provoqué une nouvelle inquiétude : devoir vivre « après la fin du monde ». Ce livre propose une généalogie de l'idée de fin du monde qui distingue deux voies de la modernité : celle qui privilégie la vie et sa conservation, aujourd'hui à l'oeuvre dans la plupart des conceptions précautionneuses du réel ; celle qui fait du monde le thème principal de la philosophie en même temps qu'un enjeu politique primordial. Michaël Foessel interprète les peurs apocalyptiques actuelles à partir d'expériences contemporaines où les sujets sont dépossédés du monde. Le triomphe de la technique sur l'action, du capital sur le travail, du besoin sur le désir sont autant de phénomènes qui expliquent pourquoi l'on est pressé de voir finir un monde que l'on a déjà perdu. Les théories de la catastrophe ne se soucient plus de savoir quel monde mérite d'être défendu. Le plus urgent n'est pas d'éviter l'apocalypse à venir, mais de réinvestir le monde après sa disparition comme ordre hiérarchique. En ce sens, le fait que la fin du monde a déjà eu lieu est une bonne nouvelle qui nous place face à une alternative : perpétuer la vie ou édifier un espace pour le possible.
Michaël Foessel, né en 1974, est philosophe, maître de conférences à l'université de Bourgogne et membre de l'Institut universitaire de France. Il est notamment l'auteur de L'Équivoque du monde (CNRS Éditions, 2008) et de La Privation de l'intime (Seuil, 2008). -
Pour comprendre toutes les implications de la métaphore - en fait de la rhétorique et des "figures" dans le langage -, ces huit études suivent une progression qui va du mot à la phrase, puis au discours.
Des origines à nos jours, la rhétorique a pris le mot pour unité de référence. En ce sens, la métaphore n'est que déplacement et extension du sens des mots.
Dès lors que la métaphore est replacée dans le cadre de la phrase, elle n'est plus une dénomination déviante mais un énoncé impertinent. Emile Benveniste est ici l'auteur qui permet à l'analyse de franchir un pas décisif, avec l'opposition entre une sémiotique, pour laquelle le mot n'est qu'un signe dans le code lexical, et une sémantique, où la phrase porte la signification complète minimale.
En passant de la phrase au discours proprement dit (poème, récit, discours philosophique), on quitte le niveau sémantique pour le niveau herméneutique. Ici, ce qui est en question n'est plus la forme de la métaphore (comme pour la rhétorique), ni son sens (comme pour la sémantique), mais sa référence, c'est-à-dire la "réalité" en dehors du langage. La métaphore, en dernier ressort, est pouvoir de redécrire la réalité, mais selon une pluralité de modes de discours qui vont de la poésie à la philosophie. Dans tous les cas, nous sommes fondés à parler de "vérité métaphorique".
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Écrits logiques et philosophiques
Gottlob Frege
- Seuil
- L'Ordre philosophique
- 25 Décembre 2014
- 9782021230253
Ecrits logiques et philosophiques Dix textes, échelonnés entre 1879 et 1925, qui forment une méditation continue, sur les médications qu'il faut administrer à la langue naturelle pour satisfaire l'idéal d'une "langue formulaire de la pensée pure".
Dix textes qui se trouvent aux sources de trois courants essentiels de la pensée contemporaine : le formalisme logique, dont la figure décisive sera Bertrand Russell ; la critique du langage commun, que poursuivra, après Wittgenstein, la philosophie analytique anglo-saxonne ; et la réflexion proprement linguistique.
Parmi les apports décisifs de ces essais de Frege, il faut noter la construction d'une logique extensionnelle (avec l'identification du concept et de la fonction) et la mise en place de ce "triplet" de notions : la fonction, essentiellement insaturée, l'argument qui la complète, la valeur (de vérité) que prend la fonction pour cet argument. S'y articule cette distinction valable en tout langage : s'il y a des expressions équivalentes, c'est qu'à la pluralité des sens se conjugue l'unité de la dénotation.
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La traversée des catastrophes ; philosophie pour le meilleur et pour le pire
Pierre Zaoui
- Seuil
- L'Ordre philosophique
- 26 Octobre 2010
- 9782021037388
Comment survivre à la vie ? Car la vie finit mal, se passe mal aussi parfois, avec ruptures, chagrins, deuils, maladies, et mort. Comment traverser ces catastrophes ? Avec l’aide de la foi, qui donne sens à ce qui n’est que souffrance ? Mais qu’en est-il de l’athée ? S’il veut être cohérent, il ne doit pas chercher à donner un sens à ces souffrances, à leur trouver une justification mais il ne peut faire fond que sur l’absurdité de la vie. Quelle fécondité trouver aux vies abîmées ? Comment penser la mort et la douleur ? Comme ce qui est étranger à la vie, comme ce qui ne la concerne pas. Sans pour autant faire comme si cela n’était rien. Il faudrait donc tenir ensemble la réalité terrifiante du malheur et la valeur absolue de la vie, qui seule importe.
Un essai de philosophie athée rigoureuse, qui pose la question essentielle : à quoi bon vivre ? -
Les nourritures ; philosophie du corps politique
Corine Pelluchon
- Seuil
- L'Ordre philosophique
- 4 Juin 2015
- 9782021170399
Pourquoi la prise en considération des enjeux environnementaux n'a-t-elle pas transformé la démocratie ? Pourquoi continuons-nous d'adopter des styles de vie qui ont un impact destructeur à la fois sur le plan écologique et social ? L'échec relatif des éthiques environnementales vient notamment de ce qu'elles n'ont pas su articuler l'écologie à une philosophie de l'existence, ni indiquer le chemin d'une possible rénovation de la démocratie. C'est à cette double tâche que s'attelle Corine Pelluchon.
Sa phénoménologie du " vivre de " prend au sérieux la corporéité du sujet et la matérialité de l'existence. En envisageant tout ce dont nous vivons, non comme de simples ressources, mais comme des nourritures, l'auteur pense l'habitation de la terre comme une cohabitation avec les autres hommes et les autres espèces. L'alimentation est le paradigme de cette phénoménologie du sentir qui part du plaisir attaché originairement au fait de vivre pour montrer que, dans nos gestes quotidiens, nous sommes déjà en rapport avec tous les vivants. La justice désigne alors le partage des nourritures. La force de ce livre consiste à tirer les conséquences politiques d'une telle philosophie, en proposant un nouveau contrat social inscrivant la question animale et l'écologie au cœur de la République et permettant à la démocratie de se réinventer.
Corine Pelluchon est professeur à l'université de Franche-Comté. Spécialiste de philosophie politique et d'éthique appliquée, elle a notamment publié Leo Strauss, une autre raison, d'autres Lumières (Vrin, 2005, Prix François Furet 2006), L'Autonomie brisée (PUF, 2009) et Éléments pour une éthique de la vulnérabilité (Cerf, 2011, Grand Prix Moron de l'Académie française 2012).
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Le conflit des interprétations ; essais d'herméneutique
Paul Ricoeur
- Seuil
- L'Ordre philosophique
- 25 Novembre 2013
- 9782021145007
Le conflit des interprétationsCes « essais d'herméneutique » réunissent des textes qui portent la marque du bouillonnement intellectuel des années 1960. Les sciences humaines font éclater les cadres reçus de l'interprétation, et créent même un « conflit des interprétations ». Le premier mérite de Ricoeur, infatigable lecteur, est alors de reprendre longuement ce que disent les sciences de l'homme - linguistique, sémiologie, ethnologie, psychanalyse... - pour mesurer comment et pourquoi naît ce conflit.On est loin ici de toute « voie courte », d'une philosophie se contentant de rappeler à hauts cris le « sens » face à la « mort du sujet ». S'il s'agit « d'explorer les voies ouvertes à la philosophie contemporaine » par cette nouvelle donne, il faut passer par le détour de l'analyse longue. Un détour, plutôt rare dans l'aire de la philosophie française, est ainsi très présent : il passe par l'exégèse biblique et des disciplines religieuses, qui furent à l'origine du problème herméneutique. Au terme de cette analyse seulement, il sera possible à nouveau de « donner un sens acceptable à la notion d'existence ».
Paul Ricoeur (1913-2005)Philosophe, monument de la philosophie française du XXe°siècle, il n'a cessé de nouer un dialogue avec les sciences humaines dans leur diversité et renouvelé les recherches exégétiques et bibliques.
Préface de Jean Greisch -
Philosophie des expériences radicales
Stéphane Madelrieux
- Seuil
- L'Ordre philosophique
- 4 Novembre 2022
- 9782021483352
Nos expériences ordinaires suffisent-elles à donner un sens à nos vies ? N’y a-t-il pas au contraire des expériences exceptionnelles, rares, supérieures, qui rompent avec l’ordinaire et nous font toucher quelque chose de plus profond, de plus réel, d’absolu ? Les philosophes de l’expérience radicale soutiennent en effet qu’il existe une différence de nature entre deux grands types d’expériences : d’un côté, les expériences pratiques, habituelles, empiriques, qui nous maintiennent dans un régime d’apparences ; de l’autre, des expériences privilégiées, telles que l’extase mystique, l’effusion érotique ou l’exaltation de la fête, transformant l’individu qui les traverse, le transportant dans un espace et un temps propres, imposant de nouvelles valeurs et dévoilant le fond des choses par-delà les apparences.
Stéphane Madelrieux analyse la philosophie française au prisme de cette recherche des expériences radicales en y distinguant deux voies : celle de l’expérience pure, mise en oeuvre par Bergson, Wahl et Deleuze, et celle de l’expérience-limite, qu’ont poursuivie jusqu’au bout Bataille, Blanchot et Foucault. Dans cet effort pour développer une nouvelle philosophie de l’expérience, les penseurs français rencontrent une autre tentative contemporaine et du même genre, celle du pragmatisme américain, dont ils s’inspirent parfois mais qui pourrait bien fournir les instruments de leur critique la plus décisive.
Stéphane Madelrieux est professeur de philosophie à l’université Jean Moulin-Lyon 3. Il est l’auteur de William James. L’attitude empiriste (P.U.F., 2008) et de La philosophie de John Dewey (Vrin, 2016), il a dirigé Bergson et James. Cent ans après (P.U.F., 2011) et participé à l’édition critique des oeuvres de Bergson aux Presses universitaires de France. -
De l'interprétation ; essai sur Freud
Paul Ricoeur
- Seuil
- L'Ordre philosophique
- 25 Mars 2014
- 9782021068368
Essais
Peut-on écrire sur Freud sans être ni analyste ni analysé ? Non, s'il s'agit d'un essai sur la psychanalyse comme pratique vivante ; oui, s'il s'agit d'un essai sur l'oeuvre de Freud comme document écrit, auquel la mort de son auteur a mis un point final : une interprétation d'ensemble de notre culture, qui a changé la compréhension que les hommes ont d'eux-mêmes et de leur vie.
Or, cette interprétation, précisément, est tombée dans le domaine public, tombée jusqu'au bavardage. Il appartient dès lors au philosophe de la justifier, c'est-à-dire d'en déterminer le sens, la légitimité et les limites.
Comme le montre Paul Ricoeur, seule une méditation sur le langage peut fournir une structure d'accueil à l'exégèse freudienne de nos rêves, de nos mythes et de nos symboles. Et cette exégèse, en s'articulant elle-même à une réflexion «archéologique» sur le sujet, fait en retour éclater la philosophie du sujet, dans ses expressions naïves et prématurées.
Le présent ouvrage ne se borne donc pas aux débats d'un philosophe avec Freud ; il libère l'horizon d'une recherche : la lecture de Freud devient l'instrument d'une ascèse du «je», délogé des illusions de la conscience immédiate.