La question : « Comment des sociétés ont-elles disparu dans le passé ? » peut aussi se formuler : « Au rythme actuel de la croissance démographique, et particulièrement de l'augmentation des besoins économiques, de santé et en énergie, les sociétés contemporaines pourront-elles survivre demain ? »
La réponse se formule à partir d'un tour du monde dans l'espace et dans le temps - depuis les sociétés disparues du passé (les îles de Pâques, de Pitcairn et d'Henderson ; les Indiens mimbres et anasazis du sud-ouest des États-Unis ; les sociétés moche et inca ; les colonies vikings du Groenland) aux sociétés fragilisées d'aujourd'hui (Rwanda, Haïti et Saint-Domingue, la Chine, le Montana et l'Australie) en passant par les sociétés qui surent, à un moment donné, enrayer leur effondrement (la Nouvelle-Guinée, Tipokia et le Japon de l'ère Tokugawa).
De cette étude comparée, et sans pareille, Jared Diamond conclut qu'il n'existe aucun cas dans lequel l'effondrement d'une société ne serait attribuable qu'aux seuls dommages écologiques. Plusieurs facteurs, au nombre de cinq, entrent toujours potentiellement en jeu : des dommages environnementaux ; un changement climatique ; des voisins hostiles ; des rapports de dépendance avec des partenaires commerciaux ; les réponses apportées par une société, selon ses valeurs propres, à ces problèmes.
Cette complexité des facteurs permet de croire qu'il n'y a rien d'inéluctable aujourd'hui dans la course accélérée à la dégradation globalisée de l'environnement. Une dernière partie recense, pour le lecteur citoyen et consommateur, à partir d'exemples de mobilisations réussies, les voies par lesquelles il peut d'ores et déjà peser afin que, dans un avenir que nous écrirons tous, le monde soit durable et moins inéquitable aux pauvres et démunis.
Peut-être avons-nous honte aujourd'hui de nos prisons. Le XIXe siècle, lui, était fier des forteresses qu'il construisait aux limites et parfois au coeur des villes. Elles figuraient toute une entreprise d'orthopédie sociale.
Ceux qui volent, on les emprisonne ; ceux qui violent, on les emprisonne ; ceux qui tuent, également. D'où vient cette étrange pratique et le curieux projet d'enfermer pour redresser? Un vieil héritage des cachots du Moyen Âge? Plutôt une technologie nouvelle : la mise au point, du XVIe au XIXe siècle, de tout un ensemble de procédures pour quadriller, contrôler, mesurer, dresser les individus, les rendre à la fois «dociles et utiles». Surveillance, exercices, manoeuvres, notations, rangs et places, classements, examens, enregistrements, toute une manière d'assujettir les corps, de maîtriser les multiplicités humaines et de manipuler leurs forces s'est développée au cours des siècles classiques, dans les hôpitaux, à l'armée, dans les écoles, les collèges ou les ateliers : la discipline.
Penser les relations de pouvoir aujourd'hui ne peut se faire sans prendre en compte l'ouvrage de Michel Foucault (1926-1984), devenu aussi indispensable à notre époque que le Léviathan de Hobbes le fut à l'époque moderne.
Cinq ans après les attentats qui ont ensanglanté la France - de la tuerie de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015 aux massacres du Bataclan le 13 novembre 2015 - ce livre présente le premier récit de l'intérieur du processus qui a vu naître le jihadisme français parmi les « cités » enclavées des banlieues populaires et a mené ses activistes, en passant par le « califat » de Daech au Levant, jusqu'aux prisons de l'Hexagone.
C'est en effet à partir de quatre-vingts entretiens avec des jihadistes incarcérés que Hugo Micheron a pu reconstituer la structuration des réseaux et des territoires du jihad. S'inscrivant en faux contre l'opinion commune qui fait du monde pénitentiaire une institution totalitaire coupée de la société, il analyse les interactions constantes entre celui-ci et les « quartiers ». Il montre comment la projection dans l'hyper-violence sur la « terre sainte du Châm » en Syrie et sur le territoire français est l'aboutissement d'un itinéraire qui démarre dans les cercles salafistes de Toulouse et Molenbeek dès la fin du siècle dernier. Il est scandé par les grands bouleversements des attentats du 11 Septembre 2001 aux États-Unis et les meurtres commis par Mohamed Merah en mars 2012, préludes à la proclamation du « califat » à Raqqa.
Ces analyses, qui reposent sur la familiarité de l'auteur avec les banlieues populaires, sur sa connaissance des langue et culture arabes et de la Syrie, ainsi que son immersion pendant deux années dans le monde carcéral, ouvrent des perspectives totalement nouvelles.
Elles permettent de comprendre pourquoi la majorité de la classe politique, des hauts fonctionnaires et beaucoup d'universitaires, n'ont eu du phénomène jihadiste qu'une lecture superficielle et inopérante - dont notre société a payé un prix particulièrement élevé. Elles ouvrent également la réflexion sur les pistes pour anticiper « l'après-Daech ».
Convaincu de l'innocence de Calas exécuté en 1762, Voltaire met sa plume au service de la justice pour demander sa réhabilitation. Le négociant huguenot était accusé du meurtre de son fils qui voulait se convertir au catholicisme.
Avec une ironie mordante et un style inimitable, l'écrivain plaide pour le respect des croyances et l'esprit de tolérance.
Une réflexion très actuelle sur le système judiciaire, la responsabilité des juges et les effets pervers des lois.
Les sciences humaines d'aujourd'hui sont plus que du domaine du savoir : déjà des pratiques, déjà des institutions. Michel Foucault analyse leur apparition, leurs liens réciproques et la philosophie qui les supporte. C'est tout récemment que l'« homme » a fait son apparition dans notre savoir. Erreur de croire qu'il était objet de curiosité depuis des millénaires : il est né d'une mutation de notre culture. Cette mutation, Michel Foucault l'étudie, à partir du XVIIe siècle, dans les trois domaines où le langage classique - qui s'identifiait au Discours - avait le privilège de pouvoir représenter l'ordre des choses : grammaire générale, analyse des richesses, histoire naturelle. Au début du XIXe siècle, une philologie se constitue, une biologie également, une économie politique. Les choses y obéissent aux lois de leur propre devenir et non plus à celles de la représentation. Le règne du Discours s'achève et, à la place qu'il laisse vide, l'« homme » apparaît - un homme qui parle, vit, travaille, et devient ainsi objet d'un savoir possible.
Il ne s'agit pas là d'une « histoire » des sciences humaines, mais d'une archéologie de ce qui nous est contemporain. Et d'une conscience critique : car le jour, prochain peut-être, où ces conditions changeront derechef, l'« homme » disparaîtra, libérant la possibilité d'une pensée nouvelle.
« Personne d'autre que le citoyen libre n'a qualité pour juger de l'emploi qu'il fait de sa liberté, sauf à voir celle-ci disparaître. Ainsi la loi ne peut-elle permettre à l'État de restreindre abusivement la liberté d'aller et venir, de manifester, de faire connaître une opinion, de s'informer, de penser pour finir. » Lorsque Chateaubriand déclare que « sans la liberté il n'y a rien dans le monde », ce n'est pas seulement un propos de littérateur. Il exprime cette vérité trop souvent oubliée que « sans la liberté », il n'y a pas de société politique, seulement le néant de ces individus isolés auquel l'État, porté à l'autoritarisme et à l'ordre moral, a cessé d'appartenir. Tel est bien le danger de la démocratie moderne que François Sureau s'emploie ici à désigner tant dans nos moeurs sociales que dans notre vie politique et, sans concession, à la lumière de nos responsabilités individuelles et collectives. L'homme est voué à la liberté ; il lui revient continûment, avec « patience et souffle », d'en reformuler le projet politique et de n'y rien céder.
L'être et le néant est un des textes majeurs de la deuxième moitié du XXe siècle. Jean-Paul Sartre (1905-1980) y pose les fondations de l'existentialisme : si Dieu n'existe pas, l'homme ne trouve ni en lui, ni hors de lui, des excuses ou des valeurs auxquelles s'accrocher; dès lors que l'existence précède l'essence, nul ne peut se réfugier derrière une nature humaine donné et figée. Où qu'il regarde, l'homme est seul, sans excuses, condamné à être libre.
«L'être ne saurait engendrer que l'être et, si l'homme est englobé dans ce processus de génération, il ne sortira de lui que de l'être. S'il doit pouvoir interroger sur ce processus, c'est-à-dire le mettre en question, il faut qu'il puisse le tenir sous sa vue comme un ensemble, c'est-à-dire se mettre lui-même en dehors de l'être et du même coup affaiblir la structure d'être de l'être. Toutefois il n'est pas donné à la "réalité humaine" d'anéantir, même provisoirement, la masse d'être qui est posée en face d'elle. Ce qu'elle peut modifier, c'est son rapport avec cet être. Pour elle, mettre hors de circuit un existant particulier, c'est se mettre elle-même hors de circuit par rapport à cet existant. En ce cas elle lui échappe, elle est hors d'atteinte, il ne saurait agir sur elle, elle s'est retirée par-delà un néant. Cette possibilité pour la réalité humaine de sécréter un néant qui l'isole, Descartes, après les Stoïciens, lui a donné un nom : c'est la liberté.»
La Grande Transformation est un bel exemple de ce qu'on appelle un « classique contemporain ». À sa parution en 1983, l'ouvrage est lu et reçu comme une étude d'an thropologie. Vingt ans après, c'est désormais LA référence de tous les courants qui souhaitent penser une alternative au libéralisme économique.
" c'est dans l'épreuve que je fais d'un corps explorateur voué aux choses et au monde, d'un sensible qui m'investit jusqu'au plus individuel de moi-même et m'attire aussitôt de la qualité à l'espace, de l'espace à la chose et de la chose à l'horizon des choses, c'est-à-dire à un monde déjà là, que se noue ma relation avec l'être ".
Maurice merleau ponty.
Rapport sur ses travaux présenté au collège de france en 1951.
Archéologie : mot dangereux puisqu'il semble évoquer des traces tombées hors du temps et figées maintenant dans leur mutisme. En fait, il s'agit pour Michel Foucault de décrire des discours. Non point des livres (dans leur rapport à leur auteur), non point des théories (avec leurs structures et leur cohérence), mais ces ensembles à la fois familiers et énigmatiques qui, à travers le temps, se donnent comme la médecine, ou l'économie politique, ou la biologie. Ces unités forment autant de domaines autonomes, bien qu'ils ne soient pas indépendants, réglés, bien qu'ils soient en perpétuelle transformation, anonymes et sans sujet, bien qu'ils traversent tant d'oeuvres individuelles.
Et là où l'histoire des idées cherchait à déceler, en déchiffrant les textes, les mouvements secrets de la pensée, apparaît alors, dans sa spécificité, le niveau des «choses dites» : leur condition d'apparition, les formes de leur cumul et de leur enchaînement, les règles de leur transformation, les discontinuités qui les scandent. Le domaine des choses dites, c'est ce qu'on appelle l'archive ; l'archéologie est destinée à en faire l'analyse.
Les idéaux du progrès ont été l'élément essentiel de la philosophie bourgeoise des Lumières, déployée sous la bannière de la Raison. Au XXe siècle, le progrès scientifique et technique était de ce point de vue suffisamment avancé pour qu'un monde sans famine, sans guerre et sans oppression cessât d'appartenir au domaine de l'utopie.
Or les grandes innovations de l'ère moderne ont été payées «d'un déclin croissant de la conscience théorique». La domination de la société sur la nature, portée à un degré jamais atteint, s'est accompagnée d'une évolution qui n'attache de prix qu'à ce qui est immédiatement utilisable, techniquement exploitable. Les principes de vérité, de liberté, de justice, d'humanité ont perdu leur réalité pour devenir de simples mots. Du même coup, l'ambition de réaliser ces principes dans le monde social s'est vidée de sa substance : celui qui ne sait pas ce qu'est la liberté n'est plus en mesure de lutter pour elle sur le plan politique.
Dans ce texte matriciel de ce que l'on appelle «l'École de Francfort», Horkheimer (1895-1973) et Adorno (1903-1969) analysent comment cette autodestruction de la Raison ne peut que se poursuivre à l'avenir et engendrer de nouvelles formes de totalitarisme - à moins que l'ambiguïté qui réside au coeur de la notion de progrès ne soit enfin clairement reconnue et sans cesse surmontée.
Sur cette duchesse devenue reine, statufiée en idole de la Bretagne, il existe une littérature pléthorique mais qui repose sur des sources fragiles et plutôt rares. Pour reconstituer son itinéraire si bref et si chahuté, il faut suivre ses pas en retrouvant et en interrogeant ceux qui l'ont accompagnée. L'existence d'Anne de Bretagne se lit comme un précipité de vie :duchesse à onze ans, reine de France à quinze ans, mère à seize ans, veuve à vingt et un ans, remariée et reine à vingt-deux ans, enceinte à quatorze reprises au moins, mais ne laissant que deux héritières quand elle meurt à trente-sept ans. De son vivant et plus encore depuis sa mort, on s'est emparé d'elle pour soutenir des causes inconciliables, l'indépendance du duché de Bretagne qu'elle a défendue en effet jusqu'au bout ou, au contraire, l'annexion pure et simple de l'Armorique au royaume de France. Anne est au coeur de cet enjeu séculaire. Son règne achève le siècle d'or d'un État breton qui croyait pouvoir jouer dans la cour des grands avant de céder à plus puissant que lui. Cette biographie dessine le portrait intime d'une de nos premières femmes politiques. Elle en restitue les croyances, l'intelligence de l'histoire, le goût des images enluminées, l'art de la sociabilité décliné au féminin - c'est à elle qu'on doit l'invention de la cour des Dames.À la faveur de son destin singulier et au fil des pages s'écrit également, en miroir, l'histoire croisée du royaume des lys et du duché de l'hermine.
«Parti à la recherche des origines de la sociologie moderne, j'ai abouti, en fait, à une galerie de portraits intellectuels... Je me suis efforcé de saisir l'essentiel de la pensée de ces sociologues, sans méconnaître ce que nous considérons comme l'intention spécifique de la sociologie, sans oublier non plus que cette intention était inséparable, au siècle dernier, des conceptions philosophiques et d'un idéal politique.» Raymond Aron.
Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831), a dit Alain, est "l'Aristote des temps modernes, le plus profond des penseurs et celui de tous qui a pesé le plus sur les destinées européennes". Les Principes de la philosophie du droit ont été publiés en 1821 à Berlin. Hegel "a voulu réconcilier, écrit Jean Hyppolite, la subjectivité chrétienne infinie avec l'idéal de la cité antique, selon lequel l'État est pour le citoyen le but final de son monde. Il a voulu maintenir au sein de l'État le libéralisme bourgeois tout en affirmant que l'État était au-dessus de la société civile... Ces oppositions, celle du christianisme et de l'État terrestre, celle de l'homme privé et du citoyen, du monde économique et de l'État politique, sont encore nos oppositions".
Une fissure s'est ouverte, depuis une cinquantaine d'années, entre juge et démocratie représentative. La montée en puissance du premier anémie la seconde.L'emprise du juge sur la démocratie revêt deux aspects distincts:le droit se construit désormais en dehors de la loi, voire contre elle; la pénalisation de la vie publique est croissante. Ces deux aspects sont liés car ils conduisent tous deux à la dégradation de la figure du Représentant:le premier en restreignant toujours davantage son champ d'action; le second en en faisant un perpétuel suspect.Le mal qui ronge aujourd'hui la démocratie paraît se situer beaucoup plus là - c'est-à-dire dans l'abaissement du Représentant, dans le rétrécissement de la souveraineté du peuple, dans la rétraction de l'autorité publique - que dans les réactions allergiques que provoque cet affaiblissement de l'État:abstention, populisme, illibéralisme.Cet ascendant croissant du pouvoir juridictionnel sur les autres a-t-il amené davantage de rigueur et de transparence dans le fonctionnement démocratique? Il se découvre chaque jour un peu plus qu'il n'a fait que remplacer le caprice du prince par le caprice du juge. D'où la question:que faire pour restaurer une juste séparation des pouvoirs?
" l'essence de l'homme se détermine à partir de la vérité de l'être, laquelle se déploie en son essence du fait de l'être lui-même.
" ce que tente de faire le traité intitulé etre et temps, c'est de partir de la vérité de l'être - et non plus de la vérité de l'étant - pour déterminer l'essence de l'homme en ne la demandant à rien d'autre qu'à sa relation à l'être et pour concevoir en son tréfonds l'essence de l'homme, elle-même désignée comme da - sein au sens clairement fixé à ce terme.
En dépit du fait qu'un concept plus original de la vérité ait été simultanément développé, parce qu'il était devenu intrinsèquement nécessaire, et depuis maintenant treize ans que le livre est paru, il n'y a pas eu la moindre trace qu'un minimum d'entente se soit produit à l'égard de cette mise en question. si elle est restée sans écho, il y a à cela deux raisons. d'une part l'habitude d'ores et déjà invétérée, et qui tend même à s'implanter définitivement, à penser de la manière moderne - l'homme est pensé comme sujet ; toute réflexion sur l'homme est entendue comme anthropologie.
Mais, d'autre part, l'incompréhension tient à la tentative elle-même qui pourrait bien tirer de l'histoire sa sève et sa vigueur sans rien en elle de " fabriqué ", qui provient de ce qui a prévalu jusqu'ici mais lutte pour s'en extraire et par là renvoie nécessairement et constamment à cette tradition et l'appelle même à l'aide (cf. ce que le livre sur kant entend par " métaphysique du dasein ") pour dire tout autre chose.
Mais surtout ce chemin s'interrompt à un endroit décisif. interruption qui s'explique du fait que, malgré tout, la tentative faite dans cette voie court, contre sa volonté, le danger de n'aboutir qu'à renforcer encore la subjectivité et à empêcher pour ainsi dire elle-même le dépassement du point de non-retour ou plus exactement : la présentation où elle atteindrait ce à quoi elle tend par définition.
Toute orientation vers l' "objectivisme " ou le " réalisme " demeure du " subjectivisme " ; la question de l'être n'est que dans la relation sujet-objet. "
Pour mieux comprendre ce qui lui reste d'emprise sur les esprits, il faut rendre à l'idée sublime d'Union européenne son aura d'origine. Et rappeler à ceux de ses vingt-sept membres qui l'auraient oublié d'où vient la bannière bleue aux seulement douze étoiles d'or : du Nouveau Testament, Apocalypse de saint Jean, 12. L'emblème qui flotte au-dessus de nos têtes qui ne croient plus au Ciel remonte à l'an 95 de notre ère et célèbre l'imminent avènement du Royaume. Vision mystique engrisaillée, projet politique encalminé : les deux ne sont pas sans rapport.
Régis Debray
«Spinoza naît en 1632 dans la communauté juive d'Amsterdam avec laquelle il rompra. Malgré ses liens avec le monde actuel et politique, il incarne le type du philosophe solitaire. La plus grande partie de son oeuvre est publiée en 1677, l'année de sa mort, par ses proches. Tout un XVIIIe siècle s'est fait peur avec Spinoza, qualifié de matérialiste et d'athée, de destructeur du libre arbitre et de la morale. Il a fallu attendre l'idéalisme allemand, Schelling et Hegel, pour que soit abordé le contenu spéculatif du spinozisme : le rapport de la totalité et de l'unité, de l'infinité et de la négation, de l'absolu, de la substance et de la liberté.» Alexandre J.-L. Delamarre.
«Quelle heure est-il? Tôt le matin, l'Europe se met en route pour l'école. Elle rapporte ses devoirs à la maison : lutter contre les poussées en arrière par un élan vers une union plus étroite.
Le devoir sera effectué par les meilleurs élèves, ceux du noyau fondateur.
Que feront les autres? Ils suivront, un peu à contrecoeur, par le chemin des écoliers.» Dans cet essai inédit, prolongé par quelques textes d'intervention précédemment parues dans la presse, Erri De Luca exprime son attachement à une Europe ouverte et humaniste. Revendiquant son devoir d'ingérence au nom de la mixité des cultures, il nous offre, par ses mises à feu, sa vision d'une communauté humaine au-delà des frontières - telle que la littérature sait l'incarner : «Le remède obligatoire et immunitaire reste la lecture des livres du monde. Je leur dois d'être porteur de citoyennetés variées et de fraternité européenne.»
«Kant (1724-1804) est un professeur : c'est à travers son enseignement et ses lectures que sa pensée acquiert sa forme propre. Il marque la fin de la métaphysique sous son aspect dogmatique : s'interrogeant sur le pouvoir de connaître, il montre qu'il n'est pas à la mesure de sa prétention à saisir l'inconditionné. Mais il a pris au sérieux l'ambition métaphysique, qu'il attribue à la raison elle-même. L'inconditionné, refusé au savoir, mais manifesté dans l'autonomie de la raison pratique et anticipé dans l'espérance, est le vrai fil conducteur de sa pensée qui le découvre non plus dans l'objet mais dans l'acte, la spontanéité et la liberté.» Alexandre J.-L. Delamarre.
Robespierre reste une énigme, et une énigme qui soulève les passions. Il a ses admirateurs inconditionnels et ses détracteurs farouches. À la ferveur pour l' « Incorruptible » des uns répond la répulsion pour le « Tyran » sanguinaire des autres. Cette division reflète l'antagonisme des mémoires de la Révolution française. 1789 et 1793 continuent de symboliser les deux faces opposées de notre événement fondateur : le glorieux avènement de la liberté d'un côté et la dérive dans la Terreur de l'autre. Or Robespierre a pour originalité de faire le lien entre ces deux visages. Le champion des droits du peuple à la Constituante est aussi le pourvoyeur de la guillotine de la Convention montagnarde. Comment passe-t-on de l'un à l'autre ? Rupture ou continuité ?
C'est cette question classique que reprend ce livre. Il s'efforce d'y répondre en scrutant minutieusement l'itinéraire de pensée que l'abondant discours robespierriste permet de reconstituer. Un parcours qui éclaire le sens de l'événement révolutionnaire lui-même.
Robespierre apparaît dans cette lumière comme l'homme qui a le plus intimement épousé le principe de la « révolution des droits de l'homme » qu'a été la Révolution française. Il est également celui qui a échoué, dans la tourmente terroriste de 1793-1794, à procurer une fondation durable au régime politique que les droits de l'homme appelaient comme leur traduction.
En quoi ce parcours donne exemplairement à comprendre le problème que la Révolution a légué à la France et que, plus de deux siècles après, elle n'a toujours pas fini de résoudre.
« On attendait d'énergiques initiatives, des changements effectifs, de vrais événements. Ils ne se sont pas produits. Cinq décennies ont passé en vain, à vide, apparemment. Et puis ce qui aurait dû être et demeurait latent, absent fait irruption dans la durée.» Pierre Bergounioux entreprend ici de saisir les origines et la signification du soulèvement social que la France a vécu ces derniers mois. Il enracine sa réflexion dans l'histoire des nations et des idées occidentales, en vertu de l'axiome selon lequel tout le passé est présent dans les structures objectives et la subjectivité des individus qui font l'histoire. Ainsi se poursuit, jusque dans les formes les plus contemporaines de la contestation, en pleine crise du capitalisme et de la représentation politique, le rêve égalitaire qui nous est propre.
Le noyau de cet ouvrage est formé par les notes prises de janvier 1933 à mai 1939 au cours que fit alexandre kojève à l'ecole pratique des hautes etudes, sous le titre la philosophie religieuse de hegel, et qui était en réalité une lecture commentée de la phénoménologie de l'esprit.
Chaque année de cours est complétée par le résumé publié dans l'annuaire de l'ecole des hautes etudes. de plus, les trois premières leçons de l'année 1937-1938 et toute l'année 1938-1939 sont données dans leur texte intégral. enfin, en guise d'introduction, on trouvera la traduction commentée de la section a du chapitre iv de la phénoménologie de l'esprit, parue dans mesures (14 janvier 1939).
La démocratie règne sans partage ni mélange. Elle est venue à bout de ses vieux ennemis, du côté de la réaction et du côté de la révolution. Il se pourrait toutefois qu'elle ait trouvé son plus redoutable adversaire : elle-même.
Ce livre rassemble des textes écrits sur vingt ans qui scrutent sous différentes faces le prodigieux changement auquel il nous a été donné d'assister. Nous avons vu la démocratie non seulement l'emporter et avancer de façon décisive, mais revenir à ses sources en se recentrant sur les droits de l'homme et en se remodelant à leur école. Sauf que, par un retournement encore plus inattendu, cette ressaisie des premiers principes la conduit en réalité à saper ses propres bases. Elle se défait en progressant. C'est cette difficulté d'être inédite qu'explore Marcel Gauchet, de la politique à la psychologie, en passant par l'éducation.
«Rien n'échoue comme le succès», observait Chesterton. La démocratie survivra-t-elle à son triomphe ?