« Il est peu de problèmes aussi graves que ceux qui concernent la protection de l'enfance, et parmi eux, ceux qui ont trait au sort de l'enfance traduite en justice. La France n'est pas assez riche d'enfants pour qu'elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. »Charles de GaulleLe 2 février 1945 le chef du Gouvernement provisoire d'une France à peine libérée du nazisme, motivait ainsi une Ordonnance historique sur la justice des mineurs, inspirée par le programme du Conseil national de la Résistance.Depuis 2002, un demi-siècle plus tard, une majorité parlementaire et des gouvernements prétendant se réclamer pourtant du « gaullisme », démantèlent méthodiquement par des lois successives la célèbre ordonnance de 1945.Au Conseil constitutionnel, entre 1992 et 2010, Pierre Joxe a tenté de s'opposer à cette entreprise de démolition.
Devenu avocat des enfants en 2010, pour pouvoir observer cette justice des mineurs de l'intérieur, il témoigne aujourd'hui et prend position contre la destruction programmée d'une de nos plus belles institutions sociales. Pierre Joxe fut ministre de l'Industrie puis ministre de l'Intérieur, enfin ministre de la Défense au cours des deux septennats de François Mitterrand. Ancien président de la Cour des comptes, il a siégé au Conseil constitutionnel de 2001 à 2010.
L'exercice du pouvoir provoque inévitablement des cas de conscience chez ceux qui veulent rester fidèles à leurs convictions. Au cours de sa carrière publique, l'ancien ministre de François Mitterrand Pierre Joxe s'est retrouvé plongé au coeur de nombreuses situations qui ont mis son éthique à l'épreuve de la réalité. Relativement discret jusqu'ici sur sa vie de magistrat et de responsable politique menée au plus haut niveau, il révèle dans ce livre les dessous d'affaires célèbres et emblématiques : réhabilitation des généraux de l'OAS, libération des terroristes du groupe Abou Nidal, participation de la France à une force d'interposition « humanitaire » en Somalie, complaisance à l'égard de Silvio Berlusconi. Membre en exercice du Conseil constitutionnel, Pierre Joxe évoque également des affaires en cours, autant de révélations soulignant le rapport délicat qui existe entre l'éthique et l'efficacité. Un livre décapant !
Sait-on qu'aujourd'hui encore on compte 700 000 accidents du travail par an en France, soit 2 000 par jour ? Que 40 000 d'entre eux entraînent une incapacité permanente, et que 500 en moyenne sont mortels, soit une dizaine par semaine ? Comment sont jugés les contentieux de pareils drames humains ?
Après son livre retentissant sur la justice des mineurs (Pas de quartier !, Fayard, 2011), Pierre Joxe explore ici un domaine peu connu et encore moins décrit : le fonctionnement des juridictions spécialisées dans l'application des lois sociales.
Il s'agit en particulier du Conseil des prud'hommes, des tribunaux des affaires de sécurité sociale, des Commissions départementales d'aide sociale, des tribunaux du contentieux de l'incapacité, de la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, etc.
Comme à son habitude, Pierre Joxe illustre son propos d'études de cas et de « choses vues » ; il le complète en comparant l'état de notre droit social avec ses homologues allemand, suisse, belge, et conclut en proposant un plan à long terme pour créer un ordre de juridictions sociales à part entière, au sein d'un pouvoir judiciaire enfin rendu indépendant, en France, comme il l'est chez nos proches voisins européens qui consacrent tous plus de moyens humains et financiers à leur justice.
Ancien ministre, ancien président de la Cour des comptes, Pierre Joxe a désormais revêtu la robe d'avocat.