Nous voyons ou entendons parler tous les jours d'hommes et de femmes qui sont prêts à renoncer à leur intérêt immédiat, à leur confort, à leurs proches, et à prendre des risques, pour autrui. Et pour un autrui qu'ils ne connaissent même pas : des malades dont ils ne savent pas le nom, des SDF qu'ils veulent soulager, des migrants ou des otages qu'ils veulent sauver mais qu'ils n'ont jusque-là jamais rencontrés. Ils agissent avec dévouement et désintéressement alors que rien ne les y oblige en aucune façon. Pour que nous puissions comprendre leur engagement civique ou humanitaire, il fallait faire l'histoire de cette idée qu'il est possible de renoncer à soi-même pour autrui, de se sacrifier pour le bonheur de l'humanité, de faire de la souffrance et du chagrin une arme politique. Ce livre part donc de l'invention des héros civiques à Rome à la fin de la République et les suit à travers l'histoire, de l'humanisme italien à l'activisme révolutionnaire en passant par le culte de la gloire des monarchies européennes et la naissance du concept d'humanité.
LA RÉPUBLIQUE EST UNE ET INDIVISIBLE, ASSURAIENT LES RÉ- VOLUTIONNAIRES. Son histoire, en revanche, ne l'est pas.
Il n'est plus possible aujourd'hui de l'écrire d'un bloc ou comme une longue généalogie qui ferait de nos démocraties les héritières plus moins fi dèles d'Athènes, de Sparte ou de Rome.
Résolument européen, ce volume a donc pour ambition de retracer l'ensemble des traditions politiques, des doctrines philosophiques ou religieuses et des aspirations collectives qui ont dessiné l'histoire des républicanismes et des régimes républicains. De Rome à Florence, de la Révolution anglaise aux Révolutions américaines et françaises, des oligarchies urbaines à la République sociale, il souligne la diversité des expériences historiques concrètes et rappelle les obstacles, les échecs, les détours rencontrés au cours de celles-ci dans la poursuite des idéaux de liberté, d'égalité ou de justice.
Sommes-nous bien certains de nous comprendre lorsque nous parlons ensemble des mêmes choses avec les mêmes mots ? Certains de savoir toujours ce que nous disons exactement lorsque nous nous exprimons ? Certains que les termes que nous choisissons ne disent pas autre chose que ce que nous pensons dire ?
Deux volumes du DICTIONNAIRE DES CONCEPTS NOMADES, publiés en 2010 et 2016, avaient cherché à répondre à ces questions au croisement de l'histoire conceptuelle et de l'histoire des idées politiques, en décrivant les conditions historiques, politiques et linguistiques d'apparition de concepts centraux de sociétés modernes. Ils ont suscité assez de discussions et de prolongements pour qu'il soit aujourd'hui légitime de s'en faire l'écho dans ce volume d'un genre inédit : un dialogue entre politistes, historiens, philosophes sur les enjeux, les méthodes et les perspectives de l'histoire des concepts.
Nous vivons une dérégulation sans précédent de la langue politique, dont témoignent à leur façon l'importation continue de termes anglo-saxons, l'acclimatation du lexique du management au champ politique, la multiplication des querelles de mots ou encore la prolifération des néologismes.
S'ils peuvent apporter un renouvellement des catégories d'intelligibilité d'un monde en pleine transformation et une compétence linguistique accrue offerte à chacun d'entre nous dans la participation aux affaires publiques, ces changements lexicaux et conceptuels recouvrent parfois aussi une véritable dépossession démocratique en nous enfermant dans des alternatives simplistes, des questions mal posées et des perspectives théoriques sans issue dont certains « débats publics » donnent régulièrement des exemples.
En s'interrogeant sur la fabrique de la langue, sur les concepts dont l'apparente familiarité ne tient qu'à notre ignorance de leurs conditions d'apparition et de circulation, sur ce qu'ils disent des hommes et des contextes qui les autorisent, sur ce qu'ils nous obligent parfois à penser et sur ce qu'ils font par conséquent à nos sociétés, cet ouvrage poursuit une ambition à la fois théorique et politique :
Construire les outils de la réfl exivité critique sur les usages conceptuels et contribuer par là à la refondation démocratique du débat public.
La démocratie ne l'a pas emporté une fois pour toutes, y compris dans les pays occidentaux où elle pourrait sembler la mieux assurée. L'emballement des politiques sécuritaires sous le choc du terrorisme, la progression des nationalismes et de la défiance à l'égard des minorités et des migrants, le développement de nouvelles techniques de surveillance et de traçage des populations, toujours plus véloces que les textes législatifs qui devraient en règlementer les applications, l'impatience des exécutifs qui veulent afficher toujours plus vite leur bilan, même s'il faut pour cela contourner ou bousculer les Parlements, l'ont montré au cours des dernières années. Il est utile d'en citer des exemples pour rappeler avec eux que la démocratie est un bien fragile, qui ne peut être conservé sans vigilance ni engagement constant des citoyens. C'est à décrire les fragilités et les menaces aujourd'hui les plus manifestes, en France, en Italie, en Suisse, en Espagne, que s'attachent les textes de ce livre d'intervention et de mobilisation, mais aussi à recenser les forces militantes et citoyennes nouvelles qui semblent capables de leur apporter une réponse collective. Il y a urgence. Avec Mireille Delmas-Marty, Jean-Marie Delarue, William Bourdon, Etienne Piguet, Miguel Gotor, Francesca Romana Guarnieri et Michaël Foessel.
Croisant histoire de l'art, histoire des idées politiques, histoire comparée des formes symbolique, ce livre a pour objet la représentation de la souveraineté du peuple dans le cadre des régimes républicains en Europe et en Amérique latine au milieu du XIXe siècle.
Longtemps confortées par une interprétation chrétienne qui voulait ne voir qu'un seul monarque dans les Cieux, les catégories de la pensée politique forgées par Aristote ont imposé l'idée que le pouvoir royal ou princier avait pour lui l'évidence de la nature et la force d'une incarnation. Le Prince, le Roi ou le Tyran, étaient la forme visible du pouvoir.
Celle-ci pouvait alors se prêter facilement à d'infinies stratégies de représentation et de célébration dont l'histoire et l'histoire de l'art se sont emparées très tôt.
Mais quelle forme visible donner non au pouvoir d'un seul, mais au pouvoir du plus grand nombre, c'est-à-dire aux démocraties ? Comment donner à voir ce qu'est la République, régime caractérisé par le libre choix de la forme du gouvernement mais aussi des gouvernants, dont la souveraineté est souvent partagée, contrôlée, provisoire et dont l'autorité ne vaut que pour autant qu'elle rencontre l'assentiment de ceux sur qui elle s'exerce par la loi, le peuple ?
Comment signifier en même temps l'exaltation de la liberté et la soumission volontaire de chacun à la loi ?
Dans le discours public, la république et ses « valeurs » sont invoquées en permanence, suscitant souvent l'indifférence et parfois l'irritation.
Devant ce constat, il importait de redonner du sens aux mots, car la vie démocratique et la construction de l'intérêt général sont aussi une affaire de langue. Comment poursuivre une forme ou une autre de « vivre-ensemble » sans se parler et sans se comprendre ?
Ce livre fait donc le choix de donner la parole à des chercheurs européens qui interrogent les mots de la République et du républicanisme dans une perspective internationale et sur la longue durée, des démocraties grecques aux enjeux contemporains.
Son ambition : inviter le lecteur à prendre du recul et à penser la République non comme un dogme, mais comme un objet vivant où doivent se conjuguer l'intérêt commun et la liberté de tous.