Le patrimoine immatériel des personnes publiques modifie profondément l'appréhension du droit des biens publics. Le rapport de 2006 intitulé L'économie de l'immatériel : la croissance de demain a été l'élément déclencheur de la prise en compte de l'immatériel dans les patrimoines publics aboutissant à la création en 2007 de l'Agence - devenue Appui - du patrimoine immatériel de l'État (APIE ). L'intérêt naissant et croissant pour ces biens traduit une volonté politique de les valoriser, car ils constituent une richesse encore sous-exploitée. L'identification juridique de ces « nouveaux » éléments est complexe en ce qu'elle renvoie à la notion comptable d'« actifs » immatériels. De plus, le droit de l'immatériel public s'est développé en marge du Code général de la propriété des personnes publiques de 2006 silencieux au sujet de son applicabilité. La question de la patrimonialisation et du droit applicable aux biens publics immatériels emporte celle de leur incorporation dans le domaine public. L'hypothèse d'un domaine public immatériel doit donc être posée, et étudiée, en prenant en compte les spécificités de la condition et des régimes juridiques de ces biens spéciaux, ainsi que sa compatibilité avec la poursuite des objectifs de valorisation notamment économique.
Le 30 mai 1971, l'Assemblée du contentieux du Conseil d'État rendit son arrêt Ville Nouvelle-Est qui était promis à un brillant avenir. En effet, en forgeant la théorie du bilan pour contrôler la légalité des déclarations d'utilité publique justifiant les expropriations, cette décision devint rapidement un « grand arrêt ». Et son rayonnement ne fit que s'intensifier à mesure que la théorie du bilan pollinisa de nombreux autres pans du contrôle juridictionnel de l'administration.
Célébrer l'anniversaire d'un « grand » arrêt est un projet obéissant à un triple impératif. Celui, d'abord, de rendre hommage à l'oeuvre d'une juridiction et de ses membres, lesquels ont su faire progresser une matière du droit, en comblant, parfois, ses lacunes, en améliorant, souvent, la condition des justiciables. Celui, ensuite, d'en retracer la destinée, en révélant les mystères qui ont pu l'entourer et en mesurant si les espoirs placés en lui ont été ou non satisfaits. Celui, enfin, d'interroger son avenir. La date des cinquante ans de l'arrêt Ville Nouvelle-Est n'a pas échappé à la règle. La jeune doctrine administrativiste, accompagnée des plus éminents chercheurs de la matière, a relevé le défi dans le cadre d'un colloque organisé le 30 septembre 2021 à Perpignan et dont les actes sont ici publiés.