En vertu de la règle du principe dispositif qui s'applique au procès administratif, le litige est la chose des parties : la matière de l'instance est fixée par les écritures que les parties rédigent et qu'elles soumettent au juge administratif. L'essence de l'office de ce juge consiste à trancher le litige en répondant juridiquement aux prétentions et à l'argumentation développées par les parties dans leurs écritures. L'étendue de son intervention est donc tributaire de la formulation des écritures qu'il devrait se borner à interpréter littéralement, et ce, même lorsqu'elles sont maladroitement rédigées. Pourtant, le juge s'autorise à les interpréter extensivement ou restrictivement. Les raisons qui président à ce choix sont incertaines. L'un des enjeux de cette thèse est de les clarifier. Elle doit aussi déterminer l'étendue de ce pouvoir, et notamment son caractère - est-ce une faculté ou une obligation ? -, les méthodes mobilisées, ou encore ses limites et les contrôles auxquels il est soumis. Mais, à cause du rôle central des écritures dans le procès administratif, leur interprétation peut parfois le déstabiliser. La recherche doit donc envisager les mécanismes permettant de corriger ces déséquilibres. En interprétant les écritures des parties, le juge participe à la fixation de la matière de l'instance. Dès lors, cette étude doit, plus fondamentalement, contribuer à déterminer l'auteur de cette substance : les parties ou le juge ?
Le 30 mai 1971, l'Assemblée du contentieux du Conseil d'État rendit son arrêt Ville Nouvelle-Est qui était promis à un brillant avenir. En effet, en forgeant la théorie du bilan pour contrôler la légalité des déclarations d'utilité publique justifiant les expropriations, cette décision devint rapidement un « grand arrêt ». Et son rayonnement ne fit que s'intensifier à mesure que la théorie du bilan pollinisa de nombreux autres pans du contrôle juridictionnel de l'administration.
Célébrer l'anniversaire d'un « grand » arrêt est un projet obéissant à un triple impératif. Celui, d'abord, de rendre hommage à l'oeuvre d'une juridiction et de ses membres, lesquels ont su faire progresser une matière du droit, en comblant, parfois, ses lacunes, en améliorant, souvent, la condition des justiciables. Celui, ensuite, d'en retracer la destinée, en révélant les mystères qui ont pu l'entourer et en mesurant si les espoirs placés en lui ont été ou non satisfaits. Celui, enfin, d'interroger son avenir. La date des cinquante ans de l'arrêt Ville Nouvelle-Est n'a pas échappé à la règle. La jeune doctrine administrativiste, accompagnée des plus éminents chercheurs de la matière, a relevé le défi dans le cadre d'un colloque organisé le 30 septembre 2021 à Perpignan et dont les actes sont ici publiés.
L'ouvrage constitue un recuei des décisions importantes émanant des juridictions administratives lyonnaises, commentées et illustrées.