Toutes les Bibles du monde font commencer « la » Bible par l'expression « Au commencement ». L'expression est devenue tellement usuelle qu'il peut sembler parfaitement incongru de préciser qu'en hébreu, le mot Bereshit, premier mot de la Torah hébraïque, n'a pour sa part jamais signifié
« Au commencement ». C'est tout simplement un mot qu'aucune langue ne peut réellement traduire, on ne le trouve qu'une unique fois dans l'ensemble du livre, aucune autre référence ne permettant de circonscrire son sens littéral. A l'aide du commentaire de Rashi, célèbre rabbin et exégète du xiie siècle, Pierre-Henry Salfati mène l'enquête. Il nous éclaire sur le contresens qui a émergé après la traduction grecque de la Tora, la Septante, et sur ses conséquences considérables dans l'imaginaire collectif occidental, et tente ici de restituer le sens du texte originel.
Selon la légende, le Juif errant était un cordonnier à de Jérusalem qui, voyant Jésus faire une halte devant son échoppe sur le chemin de la Passion, le repoussa sans ménagement. Le Christ l'aurait alors maudit, le condamnant à marcher sans cesse jusqu'à son retour en gloire à la fin des temps. Cette légende, née au Moyen Âge, a connu un succès incroyable dans toute l'Europe. Elle a inspiré quantité d'images et de récits populaires, et fourni également aux écrivains certaines de leurs oeuvres les plus singulières, d'Eugène Sue à Apollinaire en passant par Alexandre Dumas. Étonnamment, si le mythe plonge ses racines dans l'antijudaïsme chrétien et connaît des traitements antisémites, le Juif errant est bien plus souvent une figure positive, voire un héros proche des petites gens, doté du prestige d'avoir parcouru le monde et les siècles.Par-delà l'histoire foisonnante de cette légende, Pierre-Henry Salfati nous invite à suivre le Juif errant dans ses pérégrinations inattendues à travers l'histoire des lettres, des arts et des hommes.
« Il peut paraître étrange, à un moment où seul l'avenir devrait nous concerner, de s'intéresser aux relations entre deux modes de pensée nés quelque part au Moyen-Orient il y a plus de trois mille ans. Et pourtant, rien n'est plus actuel, plus nécessaire, plus urgent, pour comprendre ce qu'est réellement notre monde, que de dévoiler les fondements de la civilisation occidentale, aujourd'hui pratiquement planétaire, si admirée et si détestée à la fois. Et ces fondements sont essentiellement juifs et grecs. Judéo-grecs.
Le dialogue entre la pensée juive et la pensée grecque a construit un système de valeurs, une utopie sociale glorifiant l'individu, la liberté d'être et de penser, la raison, la découverte, l'accumulation de connaissances, l'amélioration du monde matériel. C'est de lui que surgit le refus de la fatalité, du destin, et que découle la liberté des hommes s'imposant contre celle des dieux. C'est avec lui que commence le règne de la raison, inséparable de celui de la liberté. Si les Juifs prônent l'infini et l'espérance, si les Grecs prônent le fini et la raison tragique, ils convergent autour d'une idée qui fonde l'Occident : l'Unité. De Dieu. De l'Homme. Des causes.
Pourtant, cette double origine judéo-grecque si fondatrice est totalement méconnue : si la civilisation occidentale admet sa filiation grecque, elle néglige en général ce qu'elle doit au judaïsme, préférant se référer au christianisme.
C'est donc une sorte de psychanalyse de la civilisation occidentale, pour dévoiler et assumer ses secrets de famille, que nous proposons dans ce livre. Car là réside la condition de sa survie. »
J.A. et P.-H.S.
Jacques Attali est écrivain, économiste, auteur de plus de 50 ouvrages, ancien conseiller de François Mitterrand. Il fut le créateur et premier président de la banque BERD. Il dirige actuellement Positive Planet (anciennement PlaNet Finance), la plus importante institution mondiale de soutien à la microfinance.
Pierre-Henry Salfati, réalisateur et scénariste, enseigne la philosophie juive. Il a publié Talmud. Enquête dans un monde très secret (Albin Michel/Arte Éditions, 2009).