Rien ne semble distinguer Charlotte en ce début de soirée de septembre et pourtant elle s'apprête à commettre un geste insensé. Préoccupée, la peur lui tenant le corps, elle ne voit pas l'homme qui de loin la suit et la suspecte. Lui, c'est Douglas, une pauvre âme en perdition. Il a un grand plaisir Douglas, c'est de suivre les femmes seules, de sentir son désir monter, la peur qui vient à les surprendre lorsqu'elles le remarquent excitant toujours plus l'instinct prédateur de ce fou aux apparences trompeuses.
À chaque fois le rituel est le même : sa proie repérée, il lui emboite le pas puis il fait taire les quelques voix qui le condamnent. Il sait que sa conscience cède vite et que cet excès de réserve va bientôt se taire. Mais ce soir est décidément spécial, car cette jolie rousse a des charmes qui le forcent à toutes les audaces.
Dès qu'il le peut, il engage la conversation avec Charlotte et sans rien n'y comprendre l'ennemi devient étrangement complice. Les points communs sont multiples entre eux et que dire de cette étrange entente qu'ils se découvrent à mesure que le bus les transporte. Ce qui avait commencé comme une tragédie se transforme en une belle histoire unissant deux êtres à l'abandon. Mais ce n'est là qu'une douce supercherie, car Douglas sait ce que vient de faire Charlotte. Tout à l'heure, il était là, au loin, jouissant de sa surveillance malaise, quand elle était entrée dans l'immeuble. Les coups de feu, il les a entendus depuis la rue, puis il se souvient de l'inquiétante prudence avec laquelle Charlotte avait quitté l'immeuble, comme un criminel fuit sa victime.
Charlotte, s'abandonnant, trouvera-t-elle la force de tout lui raconter pendant cette longue nuit d'errance vers laquelle ils partent. Et lui, comment expliquera-t-il qu'il en connaisse autant sur elle sans se trahir ? Entre le paumé au grand coeur et sa proie, fille à la dérive, va s'engager un troublant jeu de confessions. Mais déjà le terrible danger qui fond sur eux se précise. Rien ne survivra au sortir de cette longue nuit glaçante.
La sentence inverse est la quatrième parution de Grégory Vuibout aux éditions Myriel.