"Ce jour-là, l'express du Dauphiné était en retard d'une heure et demie. Les voyageurs qui en étaient descendus se précipitaient dans la cour de la gare pour y prendre la diligence qui faisait le service entre cette dernière station et les chemins de fer du Sud. Le conducteur, le bonhomme Rango, dont la face s'illuminait de tout l'alcool consommé pour charmer les loisirs d'une longue attente, les avertit :
- Mes braves gens, nous manquerons sûrement la correspondance du Sud et vous serez obligés de coucher à l'auberge du Petit-Chaperon-Rouge.
Ceci posé, il se cligna de l'oeil à lui-même, exprimant ainsi son intime satisfaction de l'effet qu'il n'avait point manqué de produire ; de fait, pendant que, retourné vers ses bêtes impatientes qui agitaient leurs sonnailles, le conducteur semblait ne s'apercevoir de rien, il y avait derrière lui des protestations et de la consternation.
L'auberge du Petit-Chaperon-Rouge était bien connue dans la région frontière des Alpes où la légende lui avait fait une réputation redoutable. Dans les veillées, au fond des chaumières, on racontait, à son propos, des histoires qui donnaient le frisson : des voyageurs y avaient passé la nuit que l'on n'avait jamais revus !
Tantôt toute retentissante de mystérieuses ripailles, tantôt aussi fermée qu'un tombeau, elle se dressait comme une énigme à la sortie du bourg d'Ena (la Haine) sur le bord de la route qui longe les eaux souvent torrentueuses de la Bigiou, et non loin de l'endroit où cette rivière se jette dans les lugubres marécages de l'étang de San.
Quant à l'aubergiste, c'était maître Tullamore, surnommé à vingt lieues à la ronde Tue-la-Mort, parce que, contrebandier d'une audace incomparable, il échappait aux pires dangers."
Maître Tullamore, surnommé Tue-la-Mort, est le propriétaire d'une auberge : "Le Petit-Chaperon-Rouge". Il y vit avec sa fille Canzonette et tire ses richesses de la contrebande, ce qui fait enrager le secrétaire de mairie M. Graissessac et le douanier Filippi... Arrive à l'auberge, un mystérieux prêtre...